L'Agent Geai - 1

Des enfants en péril

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« Tu sais, Bouboule, » dit Étincelle, « je crois bien qu'on est perdus. »

« Moi, je crois plutôt que c'est le chemin qui est perdu. » répondit Bouboule.

« Il était encore là il y a une minute. » déclara Étincelle.

« Mais il y est plus. » répliqua le petit garçon.

« Tu as raison. » admit la fillette.

C'était vraiment étrange. Après avoir suivi le chemin qui menait tout droit à l'intérieur de la forêt, ils n'avaient fait que s'arrêter un moment pour se reposer, assis au pied d'un grand arbre, ils s'étaient adossés au tronc avec le panier entre eux. Étincelle n'avait cligné que deux fois des yeux, car elle avait l'habitude de faire une sieste dans l'après-midi, tandis que Bouboule n'avait fermé les siens qu'une seconde, pour voir s'il apercevrait la lumière du soleil à travers ses paupières roses. Durant cette seconde, qui passa le temps qu'Étincelle cligne des yeux, le chemin avait disparu, ils n'avaient plus rien pour les guider, et ils n'avaient aucune idée de ce qu'ils devaient faire.

Une fois qu'ils se furent remis debouts, une autre chose étrange arriva ; les arbres qui les entouraient commencèrent à s'éloigner d'eux en cercle, les laissant au centre d'un vaste espace vide. Les arbres continuèrent à reculer de plus en plus loin, jusqu'à ce que leurs troncs se retrouvent serrés les uns contre les autres, au point que même une souris ne fût parvenue à se glisser entre eux. Ils formaient une solide muraille autour d'Étincelle et Bouboule, qui avaient assisté à ce spectacle les yeux écarquillés.

« C'est un piège, » dit Bouboule, « et on est tombé en plein dedans. »

« On dirait bien, » fit Étincelle d'un air pensif, « on a quand même de la chance d'avoir notre panier, tu trouves pas ? Sinon on mourrait de faim. »

« Oui, » répondit le petit garçon, « mais le panier va pas durer longtemps, quand on aura tout mangé, c'est là qu'on mourra de faim. »

« C'est vrai, à moins qu'on arrive à se tirer de là. D'après toi, comment ça se fait que les arbres ont fait ça, Bouboule ? »

« Je sais pas. » dit celui-ci.

À ce moment-là, une drôle de créature sauta du haut d'un arbre dans le cercle, puis elle avança vers eux sans se presser. Elle était de forme aplatie, comme une grosse tortue, seulement, elle n'avait pas de carapace, au lieu de cela, son corps était couvert de pointes acérées, semblables à des épines de roses, elle avait aussi deux gros yeux rouges à l'expression mauvaise et cruelle. Les enfants n'auraient su dire combien elle avait de pattes, mais elles devaient être très petites, car elle se mouvait très lentement.

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Arrivée auprès d'eux, elle se mit à parler d'un ton suppliant qui semblait doux et presque musical :

« Petite fille, prends-moi dans tes bras et fais-moi des câlins ! »

Étincelle eut un mouvement de recul.

« Oh làlà ! Je pourrais jamais faire une chose pareille. » répondit-elle.

Alors la créature se tourna vers Bouboule :

« Petit garçon, s'il te plait, prends-moi dans tes bras et fais-moi des câlins ! »

« Allez vous en ! » s'écria-t-il, « je vous toucherais pour rien au monde. »

La créature les regarda l'un et l'autre de ses yeux rouges.

« Écoutez-moi, mes chéris, » reprit-elle, « autrefois, j'étais une belle jeune fille, mais une cruelle Tuxix m'a transformée ainsi, et je dois garder cet horrible aspect tant qu'un enfant ne m'aura volontairement prise dans ses bras pour me faire des câlins, alors seulement, je pourrai retrouver ma véritable forme. »

« Ne la croyez pas ! Ne la croyez pas ! » s'écria soudain une voix aigüe, le petit garçon et la petite fille jetèrent des regards autour d'eux pour voir qui avait parlé. Mais il n'y avait personne alentour, ils remarquèrent simplement la grosse branche d'un arbre dont les feuilles remuaient légèrement.

« C'est quoi une Tuxix ? » demanda Étincelle qui commençait à avoir de la peine pour la pauvre créature.

« C'est à la fois une magicienne, une sorcière et une enchanteresse, » répondit-elle, « vous imaginez à quel point elle peut être redoutable. »

À nouveau, la voix aigüe résonna :

« Attention ! C'est elle, la Tuxix, ne croyez pas un mot de ce qu'elle vous dit ! »

À ces paroles, les yeux rouges de la créature flamboyèrent de colère, et elle essaya de tourner son corps maladroit pour voir d'où venait cette voix. Étincelle et Bouboule regardèrent aussi, mais ils entendirent seulement un battement d'ailes et un rire moqueur venant des arbres.

« Si jamais je pose les yeux sur cet oiseau, il ne parlera plus jamais ! » s'écria la créature sur un ton plein de fureur, très différent de celui qu'elle avait utilisé jusque là, c'est sans doute ce qui incita les enfants à prendre l'avertissement de leur mystérieux ami au sérieux.

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« Que vous soyez ou non la Tuxix, je vous toucherai jamais, vous pouvez en être sûre. » déclara Étincelle.

« Moi non plus. » ajouta Bouboule, tout en se blottissant contre la fillette en lui agrippant la main.

En entendant cela, l'horrible chose ébouriffa ses pointes de colère et dit :

« Très bien, si je ne peux vous avoir par ce moyen, j'y arriverai autrement. Allez, vous deux, allez rejoindre cet oiseau qui vous a prévenus, vous vivrez dans les airs et dans les arbres jusqu'à ce que vous deveniez raisonnables et que vous acceptiez de devenir mes esclaves. La Tuxix a parlé. Partez ! »

Soudain, Étincelle vit Bouboule bondir en l'air et disparaître dans le feuillage des grands arbres. Il avait semblé rétrécir et changer de forme en se déplaçant.

« Attends ! » lui cria-t-elle, « j'arrive ! »

Elle avait peur de le perdre, alors elle s'envola à sa suite, elle se sentait elle-même plutôt bizarre, le moment d'après, elle se retrouva en sûreté sur une branche, agrippée avec ses orteils à côté du garçonnet. Elle regarda celui-ci avec stupéfaction.

Bouboule était transformé en petit oiseau, sauf sa tête qui était réduite à une taille proportionnelle au corps. Il portait toujours son chapeau de paille qui avait rapetissé avec le reste, en le voyant, Étincelle éclata de rire, ce qui produisit un chant mélodieux d'alouette.

Bouboule la regarda et vit presque la même chose qu'elle, elle était aussi devenue un oiseau, excepté la tête coiffée de son bonnet à carreaux, qui avait également rétréci aux proportions du petit corps aux plumes brillantes d'une alouette.

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Ils devaient s'accrocher à la branche avec leurs pieds, car leurs bras et leurs mains étaient maintenant des ailes. Comme leurs orteils étaient longs et fins, ils pouvaient s'en servir comme de leurs doigts.

« Ça alors ! » s'écria Étincelle, « tu as l'air bizarre, Bouboule ! »

« Toi aussi, » répondit le petit garçon, « ça veut dire qu'on a été ensorcelés. »

« Oui, on a été 'sorcelés, » dit la petite fille, « qu'est-ce qu'on va faire ? On peut pas retourner chez nous, nos familles vont avoir une crise cardiaque en nous voyant, de toute façon, on sait même pas par où c'est. » 

« Tu as raison. » fit Bouboule en battant des ailes, car il perdait l'équilibre.

« Qu'est-ce qu'on va faire ? » répéta-t-elle.

« Eh bien, vous n'avez qu'à voler et être heureux, » s'écria une voix enjouée à côté d'eux, « les oiseaux sont faits pour ça ! »

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