L'Agent Geai - 2

Le Gardien de la Forêt

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Étincelle et Bouboule tournèrent la tête sur leurs cous duveteux, et ils virent un grand oiseau bleu perché à côté d'eux. Sur le moment, ils eurent peur, car le nouveau-venu était un géant à côté des petites Alouettes qu'ils étaient, de plus, son apparence était impressionnante, avec sa crête de plumes qui formait une pointe au-dessus de sa tête, son bec robuste et ses griffes acérées. Mais Étincelle plongea son regard dans ses yeux pétillants, et elle sentit chez lui une bonne nature, cela lui donna le courage de lui demander :

« C'est à nous que vous parlez ? »

« Il semble bien, » répondit l'oiseau bleu d'un air guilleret, « il n'y a personne d'autre alentour. »

« Et c'est vous qui nous avez mis en garde contre cette horrible créature dans la forêt ? » continua-t-elle.

« En effet. »

« Alors, » dit Étincelle, « nous vous sommes très obligés. »

« Il n'y a pas de quoi, » répondit l'autre, « je suis le policier de la forêt, Agent Geai pour vous servir, et c'est mon devoir de venir en aide à ceux qui sont en difficulté. »

« Nous sommes bien en difficulté. » dit Bouboule en sanglotant.

« Ça aurait pu être pire, » fit observer l'Agent Geai avec un gloussement qu'Étincelle interpréta comme un rire. « si vous aviez touché la Tuxix, vous auriez été transformés en crapauds ou en lézards. C'est un de ses vieux tours, de tromper des enfants pour les changer en des choses aussi répugnantes qu'elle. »

« De toute façon, je l'aurais jamais touchée. » dit Étincelle.

« Moi non-plus ! » s'écria Bouboule d'une petite voix aigüe d'oiseau, « elle était pas gentille. »

« Vous avez bien fait de nous avertir. » ajouta poliment Étincelle.

Le Geai regarda les petits êtres frétillants d'un air approbateur, puis il éclata de rire.

« Qu'est-il arrivé à vos têtes ? » demanda-t-il.

« Rien, à part qu'elles sont plus petites. » répondit Bouboule.

« Normalement, les oiseaux n'ont pas une tête humaine, » dit le Geai, « je crois que cette Tuxix a fait ça pour que les oiseaux vous rejettent, car vous n'êtes pas tout à fait des oiseaux ni tout à fait des humains. Ce n'est pas grave, je leur expliquerai votre cas, vous pouvez être certains que tous les habitants de la forêt seront gentils avec vous. »

« On va rester comme ça pour toujours ? » demanda Étincelle, inquiète.

« Franchement, je ne sais pas, » répondit l'Agent, « on dit qu'il y a toujours moyen de briser un enchantement, mais il faut savoir lequel. Le problème, dans votre cas, c'est de trouver la formule qui vous rendra vos formes originelles. Pour l'instant, il faut vous résoudre à vivre quelque temps dans notre forêt, et être aussi heureux que possible malgré les circonstances. »

« Ben, on va essayer. » dit Bouboule en soupirant.

« Parfait ! » s'exclama l'Agent Geai en faisant hocher sa crête d'un air satisfait, « la première chose à faire, c'est de vous trouver un logement. Si vous voulez bien m'accompagner, je vais tâcher de vous en trouver un. »

« Je.. j'ai peur ! » balbutia nerveusement Étincelle.

« Les Alouettes sont pratiquement les oiseaux les plus robustes, » expliqua le geai, « et de nous tous, ce sont eux qui volent le mieux. Vous deux êtes devenus des Alouettes, vous pouvez monter si haut dans les airs, que vous distinguez à peine la terre en dessous. C'est pourquoi vous n'avez pas de raison d'avoir peur, courage, tout se passera bien. »

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Le ton de sa voix était si doux et inspirait une telle confiance qu'Étincelle et Bouboule n'hésitèrent pas quand l'Agent ajouta : « Allez, venez ! » avant de filer comme une flèche dans les airs, les deux petites Alouettes aux têtes d'enfants le rejoignirent aussitôt au-dessus des arbres, et ils n'eurent aucun problème à voler aussi vite que leur guide.

C'était une expérience plutôt intéressante de planer aussi haut sans crainte de tomber. Quand ils gardaient leurs ailes étendues, ils flottaient aussi légèrement que des bulles de savon. Ils furent bientôt pris d'une joyeuse euphorie, ils comprenaient enfin pourquoi les oiseaux en liberté étaient si heureux dans leur élément naturel.

La forêt s'étendait partout autour d'eux, car elle était très vaste. Soudain, le Geai plongea et alla se percher au sommet d'un grand érable. Une seconde après, Étincelle et Bouboule se posèrent à ses côtés, leurs petits cœurs battaient la chamade après ce vol rapide. Devant eux, un nid était solidement fixé aux branches, il était gris et l'intérieur était tapissé d'une matière aussi moelleuse que du coton.

« Voilà, » dit leur ami, « c'était le nid de Niddie et Daisy Grive, ils l'ont bâti il y a un an. Ils sont partis vivre dans un bois du côté de la grande rivière, vous pouvez donc occuper leur ancien logement, il est comme neuf, en plus, vous n'avez pas de loyer à payer. »

« Mais c'est tout petit ! » remarqua Bouboule.

« Allons, » fit l'Agent Geai, « rappelez-vous que vous n'êtes plus des enfants humains, maintenant, mais des Alouettes, et ça, c'est un nid de grives. Essayez-le, je suis sûr qu'il est parfaitement à votre taille. »

Étincelle et Bouboule volèrent jusqu'à l'habitation et se blottirent dans son doux rembourrage, ils s'aperçurent alors que leur ami avait raison, serrés l'un contre l'autre, les pattes repliées dans les plumes de leur torse, ils remplissaient tout le nid et n'avaient pas besoin de plus d'espace.

« Je vais marquer le nid, ainsi tout le monde saura qu'il est à vous, » dit le policier, et avec son bec, il perça une rangée de petits trous dans l'écorce de la branche. « j'espère que vous serez bien, ici, cet après-midi, j'amènerai quelques amis pour vous les présenter. Maintenant, je vous dis au revoir, nous nous reverrons bientôt. »

« Attendez ! » s'écria Bouboule, « qu'est-ce qu'on va manger ? »

« Manger ? » demanda le Geai, surpris, « il y a plein de bonnes choses à manger dans la forêt ; des larves, des scarabées, des vers, des insectes de toutes sortes... »

« Pouah ! » fit Bouboule, « ça me rend malade rien que d'y penser. »

« Quoi ? »

« Monsieur l'Agent, » intervint Étincelle, « nous ne sommes pas complètement des oiseaux comme vous, c'est ça la différence, nous n'avons pas de bec pour picorer la nourriture, d'ailleurs, nous ne mangeons pas la même chose que vous. »

« Que mangez-vous donc ? » demanda le Policier, intrigué.

« Du gâteau, des sandwiches, des cornichons, du fromage, on en avait dans notre panier. On peut pas manger des choses vivantes, on est pas habitués. »

Le Geai se mit à réfléchir, puis il dit :

« Je comprends, vous avez sans doute raison, vous ne pouvez pas avoir le bon sens d'un oiseau, car dans vos têtes, vos cerveaux sont toujours humains. Voyons, comment puis-je vous aider ? »

Les enfants ne répondirent pas, ils se contentaient de le regarder d'un air angoissé.

« Où avez-vous laissé votre panier ? » demanda-t-il enfin.

« Là où la sorcière nous a 'sorcelés. »

« Alors, » dit l'officier, « il faut que je vous le retrouve. »

« C'est trop grand et trop lourd pour un oiseau. » l'avertit Étincelle.

« Ah oui, c'est vrai, » il leva sa tête crêtée en réfléchissant à nouveau, quand il aperçut un point noir qui traversait le ciel.

« Attendez, je reviens ! » s'écria-t-il en s'envolant.

Les enfants le regardèrent monter dans le ciel vers le point noir, et ils l'entendirent pousser des cris aigus. L'Agent Geai ne tarda pas à attirer l'attention de l'autre oiseau, celui-ci stoppa son vol et descendit doucement vers lui.

En fait, cet autre oiseau était un grand Aigle aux yeux perçants et aux larges ailes qui s'étendaient sur près de deux mètres.

« Bien le bonjour, ami Aigle, » dit le Geai, « j'espère que vous n'êtes pas trop pressé, car je voudrais vous demander un service. »

« De quoi s'agit-il ? » demanda l'Aigle d'une voix grave et profonde.

« Pourriez-vous m'accompagner à un certain endroit de la forêt pour ramener un panier à des amis ? Il est trop lourd pour moi, mais avec votre grande force, vous n'aurez aucune difficulté. »

« Ce sera avec grand plaisir. » répondit poliment l'Aigle, alors l'Agent Geai prit la tête, l'autre le suivit avec des battements d'ailes si puissants qu'ils formaient de petits tourbillons derrière lui, telles ceux produits dans l'eau par la roue d'un bateau à vapeur.

Ils ne tardèrent pas à atteindre la clairière dans la forêt. La vilaine Tuxix était partie se consoler de son échec avec une autre mauvaise action, mais le panier était toujours là où l'avaient laissé les enfants.

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L'Aigle en saisit l'anse dans son bec robuste et constata qu'il pouvait le porter sans problème.

« Par ici, s'il vous plait ! » lui pépia le Geai, alors il transporta la précieuse cargaison jusqu'à l'érable, et il l'accrocha à une branche au-dessus du nid.

En le voyant approcher, son air féroce effraya Étincelle et Bouboule au point qu'ils s'enfuirent du nid et s'éloignèrent le plus possible de lui en sautant de branche en branche. Mais en voyant le panier et en réalisant la gentillesse de ce grand oiseau, ils volèrent vers lui et le remercièrent pour son aide.

« Ça alors ! » s'exclama l'Aigle, en tournant sa tête d'un côté puis de l'autre, afin de pouvoir observer les Enfants-Alouettes de chaque œil, « quelles étranges  créatures avez-vous là, mon cher agent ? »

« Encore un mauvais tour de Hautau, la Tuxix. Elle a trouvé ces deux enfants dans la forêt et les a ensorcelés. Elle voulait les transformer en crapauds, mais ils ont refusé de la toucher, alors elle n'a pas pu. Cela l'a mise en colère, du coup, elle les a transformés en créatures mi-oiseaux mi-humaines, comme vous pouvez le voir. J'étais dans un arbre, non loin de là, quand c'est arrivé, et j'ai tout vu. Comme j'ai eu pitié de ces victimes innocentes, je les ai prises en amitié, ce panier que je vous ai demandé d'apporter leur appartient. »

« Je suis content d'avoir pu aider, » répondit l'Aigle, puis, s'adressant aux Alouettes, il ajouta : « si jamais vous avez besoin de moi quand je suis dans les parages, appelez-moi et je viendrai aussitôt. »

« Merci. » dit Étincelle avec gratitude.

« Nous vous sommes très obligés. » ajouta Bouboule.

Alors l'Aigle s'envola au loin, une fois qu'il fut parti, l'Agent Geai prit congé à son tour.

« Je reviendrai cet après-midi sans faute, » leur dit-il, « je dois patrouiller au-dessus de la forêt, afin de m'assurer qu'aucun oiseau n'a eu de problème en mon absence. Ne vous éloignez pas trop de votre nid pour le moment, ou vous allez vous perdre. La forêt est vaste, mais quand vous y serez habitués ainsi qu'à votre nouvelle condition, vous aurez plus d'assurance et pourrez vous aventurer plus loin. »

« On ne quittera pas cet arbre. » promit Étincelle d'un ton résolu.

« Tout à fait, » approuva Bouboule, « on bougera pas de cet arbre jusqu'à votre retour. »

« Au revoir. » dit le Policier.

« Au revoir. » répondirent les enfants.

Le Geai s'envola d'un trait et fut rapidement hors de vue. Étincelle et Bouboule se retrouvèrent seuls, à méditer sur le mauvais sort qui les avait atteints.

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