Contes de Fées Américains - 11

Le roi des ours polaires

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Le roi des ours polaires vivait au milieu des icebergs du nord, il était très vieux et monstrueusement grand, mais tous ceux qui le connaissaient le trouvaient très sympathique. Son corps était recouvert d'une épaisse fourrure de longs poils scintillants comme de l'argent sous le soleil de minuit, il possédait aussi de puissantes griffes pointues qui lui permettaient de marcher sur la glace sans glisser et d'attraper les poissons et les phoques dont il se nourrissait.

Les phoques, qui  avaient très peur de lui, faisaient tout pour l'éviter, mais les mouettes, autant les blanches que les grises, l'aimaient beaucoup, car il leur laissait toujours les restes de ses repas. 

Ses sujets, les ours polaires, venaient souvent le consulter quand ils avaient un problème ou s'ils étaient malades, mais ils se gardaient bien d'empiéter sur son territoire de chasse, de crainte d'encourir sa colère.

Les loups, qui parfois s'aventuraient au nord jusqu'à la région des icebergs, chuchotaient entre eux de terribles légendes sur le roi des ours polaires, qui, selon certains était un magicien, ou bien sous la protection d'un puissant sorcier, car il semblait qu'aucun mal sur terre ne pouvait l'atteindre, de plus, il arrivait toujours à se procurer suffisamment de nourriture, devenant plus grand et plus fort de jour en jour et d'années en années.

Mais vint le temps où le monarque rencontra l'homme et où sa sagesse lui fit défaut.

Un jour, en sortait de sa caverne, sur la bande de mer qui s'était ouverte dans la banquise cet été, il vit un bateau avec des hommes à son bord.

N'ayant jamais vu de telles créatures auparavant, le grand ours avança sans se méfier vers l'embarcation, intrigué par sa singulière odeur, il se demandait s'il s'agissait d'amis ou d'ennemis, de nourriture ou de charogne.

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Quand il arriva au bord de l'eau, un homme se dressa dans le bateau avec un étrange instrument qui produisit un grand "bang !", l'ours polaire ressentit un choc, son esprit devint brumeux, ses forces l'abandonnèrent, ses grosses pattes se dérobèrent sous lui et son corps s'affaissa sur la glace. .

Ce fut tout ce dont il se souvint.

Il se réveilla avec une terrible douleur sur toute son énorme carcasse, car les hommes lui avaient arraché sa glorieuse fourrure et l'avaient emmenée au loin.

Au dessus de lui, des milliers de ses amies les mouettes volaient en cercles, elles se demandaient si leur bienfaiteur était vraiment mort et si elles pouvaient le manger, mais en le voyant lever la tête en grognant et en frémissant, elles comprirent qu'il était toujours vivant, alors l'une d'elles dit aux autres :

"Les loups avaient raison, le roi est un grand magicien, car même les hommes ne peuvent le tuer. Mais il souffre car il n'a plus sa fourrure, exprimons lui notre reconnaissance en lui donnant autant de plumes que nous pouvons."

Les autres mouettes approuvèrent l'idée, elles s'arrachèrent leurs plus douces plumes, celles qui se trouvaient sous leurs ailes, puis elles descendirent l'une après l'autre pour les déposer délicatement sur le corps du roi des ours polaires.

Puis elles lui crièrent en chœur :

"Courage, l'ami ! Nos plumes sont aussi belles et douces que ton ancienne fourrure, elles te protégeront du vent glacial et te réchaufferont pendant ton sommeil. Tiens bon et continue à vivre !"

Le roi des ours polaires reprit courage, il trouva la force de supporter sa douleur et continua à vivre.

Les plumes poussaient maintenant sur lui comme elles avaient poussé sur les oiseaux, le recouvrant aussi bien que son ancienne fourrure. La plupart étaient d'un blanc immaculé, mais certaines provenaient des mouettes grises, ce qui le rendait légèrement tacheté.

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Tout le reste de l'été et les six mois de nuit qui suivirent, le roi ne quitta sa caverne que pour pêcher ou chasser le phoque pour se nourrir. Il n'avait pas honte du plumage qui le couvrait, mais çà lui faisait toujours bizarre et il évitait de rencontrer ses semblables.

Durant cette période de retraite, il repensa souvent à ces hommes qui l'avaient blessé, il se rappelait de ce grand "bang !", il avait décidé de se tenir à distance de ces féroces créatures, ce qui ajouta à sa sagesse.

Quand la lune disparut du ciel, laissant la place au soleil qui faisait scintiller les icebergs, formant de magnifiques arcs-en-ciel, deux ours polaires se rendirent à la caverne du roi pour lui demander conseil sur la chasse. Mais en voyant son grand corps recouvert de plumes au lieu de fourrure, ils se mirent à rire, et l'un d'eux lui dit :

"Notre roi est devenu un oiseau ! Qui a jamais vu un ours polaire à plumes ?"

Le roi en ressentit une grande colère, il s'avança vers eux d'un pas majestueux avec des grognements sinistres, puis il frappa de sa puissante patte celui qui s'était moqué de lui et celui ci tomba sans vie à ses pieds, 

L'autre s'enfuit auprès des siens et leur décrivit l'étrange apparence qui était maintenant celle de leur souverain. Aussitôt, tous les ours polaires se réunirent sur un grand champ de glace et débattirent de ce changement.

"Ce n'est plus tout à fait un ours," dit l'un d'eux, "ce n'est pas non plus tout à fait un oiseau, il est moitié ours moitié oiseau, il n'est donc plus habilité à être notre roi."

"Mais qui va le remplacer ?" demanda un autre.

"Celui qui vaincra l'ours-oiseau en combat singulier," répondit un des membres les plus âgés du groupe, "seul le plus fort peut régner sur notre race."

Après un moment de silence, un grand ours s'avança et dit :

"Je l'affronterai, moi, Woof, le plus fort de notre race ! Et je deviendrai le roi des ours polaires."

Les autres acquiescèrent, puis un messager fut envoyé auprès du roi, pour lui annoncer qu'il devrait affronter le grand Woof ou renoncer à sa royauté.

"Car un ours avec des plumes ce n'est plus un ours," ajouta le messager, "et le roi auquel nous obéissons doit nous ressembler."

"Je porte des plumes si çà me chante," répondit le roi en grondant, "ne suis je pas un puissant magicien ? Cependant, je combattrai Woof, s'il parvient à me vaincre, il deviendra roi à ma place."

Il alla ensuite rendre visite à ses amies, les mouettes, qui étaient en train de dévorer l'ours qu'il avait tué, et il leur parla du combat qu'il devrait bientôt livrer.

"Je suis sûr de gagner," dit il fièrement, "mais mon peuple a raison, seul un ours poilu comme eux mêmes peut les commander."

La reine des mouettes dit :

"Hier, j'ai rencontré un aigle, il venait de s'enfuir d'une cité d'hommes où il était retenu captif, il m'a dit avoir vu une grande peau d'ours polaire étendue sur le siège arrière d'un fiacre, il s'agit sans doute de la tienne, Ô roi, si tu le souhaites, j'enverrai une centaine de mes mouettes te la chercher."

"Qu'elles y aillent donc !" s'écria le roi d'un ton bourru. Aussitôt, une centaine de mouettes prirent leur envol ver le sud.

Pendant trois jours, elles filèrent droit devant elles comme des flèches, elles aperçurent d'abord quelques maisons éparses, puis des villages et enfin, des villes, alors elles commencèrent leurs recherches.

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Les mouettes étaient courageuses, malignes et avisées, au quatrième jour elles étaient arrivées au dessus d'une grande métropole, elles survolèrent les rues un moment quand elles aperçurent une grande peau d'ours étalée sur le siège arrière d'un fiacre, alors elles plongèrent toutes les cent et la saisirent dans leurs becs avant de remonter dans les airs et s'éloigner.

Elles avaient du retard, le combat du roi avait lieu au septième jour, elles durent alors voler très vite pour atteindre les régions polaires à temps.

Pendant ce temps, l'ours-oiseau se préparait à se battre en aiguisant ses griffes sur des blocs de glace. Il attrapa un phoque pour exercer ses longues dents jaunes en croquant ses os, Quant à la reine des mouettes, elle ordonna à ses sujets de lisser les plumes de leur ami. Mais chaque jour elles lançaient des regards anxieux vers le sud, guettant le retour de la centaine de mouettes qui devaient rapporter sa peau.

Arriva le septième jour, tous les ours polaires de la région s'étaient rassemblés devant la caverne du roi, parmi eux, Woof, qui se sentait assez fort et sûr de lui pour le vaincre.

"Les plumes de l'ours-oiseau vont voler dès que j'aurai posé mes griffes sur lui !" se vantait il devant les autres qui l'encourageaient en riant.

Le roi était déçu de ne pas avoir récupéré sa peau, il était néanmoins résolu à lutter bravement, avec ou sans elle. Il sortit de sa caverne d'un pas plein de dignité, puis une fois face à son ennemi, il poussa un rugissement si puissant que Woof manqua de défaillir, ce dernier réalisa que ce combat n'allait pas être une partie de plaisir.

Après avoir échangé un ou deux coups avec son adversaire, il reprit courage et tenta de l'effrayer avec des railleries.

"Approche, ours-oiseau !" lui lança-t-il, " approche que je te plume !"

La provocation emplit le roi d'une telle rage que son plumage se gonfla comme celui des oiseaux, le faisant doubler de volume, puis il fit un bond en avant et frappa son adversaire si violemment que son crâne éclata comme un coquille d'œuf. Woof s'effondra sans vie sur le sol.

Tandis que l'assemblée des ours contemplait avec effroi leur champion vaincu, le ciel s'assombrit soudainement.

Ils virent alors la centaine de mouettes tenant la fourrure blanche aux reflets argentés qu'elles laissèrent tomber sur le roi.

Puis, Ô miracle ! Face à l'assemblée des ours se tenait maintenant leur chef bien aimé sous son apparence habituelle. Alors tous courbèrent leurs grosses têtes devant le grand roi des ours polaires.

Cette histoire nous enseigne que le courage et la dignité ne dépendent pas de l'apparence extérieure, mais qu'ils viennent de l'intérieur, elle nous apprend aussi que les moqueries et les provocations sont des armes peu efficaces dans un combat.

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