Dot et Tot au Pays Joyeux - Chapitre 15

La Vallée des matous

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Tot ne fut pas le moins du monde effrayé quand une chatte, d'un âge incertain et qui avait l'air gentille, s'approcha de lui et lui dit :

« Je suis la cousine Tigrée, comme vous êtes mon invité, je vous prie de me suivre jusqu'au numéro 16. »

Le petit garçon trouvait l'idée d'entrer dans une cabane de matou plaisante, il suivit donc la chatte sans hésiter. Arrivés au numéro 16, elle sauta d'un bond sur la plate-forme et elle lui dit :

« Suivez moi, je vous prie. »

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L'entreprise semblait ardue, car la plate-forme se trouvait à hauteur de son menton. Seulement, Tot avait l'habitude de grimper aux arbres, il parvint à se hisser sans mal, mais une fois arrivé, il perdit l'équilibre et tomba la tête la première à l'intérieur de la cabane.

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À sa grande surprise, il atterrit sans mal sur un coussin bien rembourré, il se remit debout et regarda autour de lui.

La pièce était faiblement éclairée par l'entrée, mais une fois que ses yeux se furent accoutumés à la pénombre, il vit que le sol était recouvert d'une épaisse carpette avec des coussins éparpillés un peu partout.

D'un côté de la pièce, il y avait un feu de cheminée, de l'autre une table basse qui arrivait aux genoux de Tot, dessus étaient disposée une rangée de quatre bols blancs. Dans un coin, deux petits chatons gris dormaient sur un coussin.

Alors que le petit garçon les observait, une jeune chatte surgit de l'entrée, elle était grise elle aussi, mais plus grande et plus vieille que les autres, alors Mademoiselle Tigrée fit les présentations :

« Voici ma nièce, Miss Câline, qui vit avec moi, et ces deux petits, qui sont trop jeunes pour sortir et rendre hommage à la Reine, appartiennent à Madame Miaou. Sa famille est si nombreuse que j'ai adopté ceux là, car ma maison est trop grande pour Câline et moi. »

« Ah... » fit Tot, plutôt perplexe, et comme la cousine Tigrée semblait attendre une réponse plus précise, il ajouta : « c'est bien. »

« Mettez vous donc à votre aise, » reprit la chatte d'une voix douce et ronronnante, « je vais préparer le dîner. »

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Elle prit un tablier blanc accroché à côté du feu et se l'attacha autour de la taille. Puis elle mit un autre bol sur la table pour Tot avant de se mettre au travail, tandis que le petit garçon, allongé sur le tapis, jouait avec les petits chatons gris.

Alors que Tot était ainsi occupé, Oncle Palladius conduisait Dot au numéro 9, où il habitait. Oncle Palladius était un grand chat noir, et il faisait partie de ceux qui portaient des lunettes, ce qui lui donnait un aspect plutôt comique.

Dot eut plus de mal que Tot à faire l'escalade jusqu'à l'entrée et franchir le passage, mais au bout de nombreux efforts, elle parvint à entrer et fut ravie de se retrouver dans une pièce aussi douillette.

Oncle Palladius était à la tête d'une grande famille, et comme les étrangers étaient rares dans leur Vallée, ils étaient tous rassemblés autour de la petite fille et l'observaient avec curiosité, pendant qu'un chaton tout blanc se mit à se frotter le dos contre la jambe de Dot.

Elle ramassa l'adorable petit minou, le serra doucement dans ses bras en le carressant, puis elle s'assit sur un coussin. Les autres chatons se rassemblèrent alors autour d'elle et s'étirèrent paresseusement sur le tapis.

La fillette était absolument ravie, vu qu'elle adorait particulièrement les chats, pourtant, sa mère invalide les détestait, elle avait toujours déclaré : « il n'y aura jamais de chat dans cette maison. »

Elle avait longtemps désiré avoir un animal de compagnie de ce genre, elle était maintenant folle de joie d'en avoir autant pour jouer avec elle.

Elle se pencha pour presser sa joue contre le petit chaton blanc et lui murmura : « comme tu es adorable, toi ! »

« T'as vu ? J'ai un nouveau ruban. » dit fièrement le chaton.

« Je l'ai vu. » répondit Dot qui l'avait remarqué, puis elle demanda :

« Quel âge as tu, ma pupuce ? »

« Il est rose. » dit le chaton blanc.

« Qu'est ce qui est rose? » demanda l'enfant.

« Mon ruban. »

« Ah, oui. Mais dis moi, » ajouta-t-elle, « Oncle Palladius, c'est ton père ou ton grand-père ? »

« Il a un nœud-papillon. » ronronna doucement le chaton, les yeux mi-clos.

« Qu'est ce qui a un nœud-papillon ? » demanda Dot.

« Mon ruban. »

« D'accord, mon chéri, mais je suis en train de te parler d'autre chose, » dit la fillette, « est ce que tous ces chatons sont tes frères et sœurs ? »

« C'est Maman qui me l'a donné. » chantonna le chaton blanc d'un air satisfait.

« Qui t'a donné quoi, ma puce ? »

« Mon ruban. »

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« Ne faites pas attention à lui, » dit un autre chaton, d'un ton plutôt dédaigneux, « c'est son premier ruban, il est tellement futile qu'il n'arrive pas à penser à autre chose. Posez le et prenez l'un d'entre nous, si vous voulez avoir une conversation sensée. »

« Alors, discutons, » dit l'enfant, en gardant le chaton futile blotti au creux dans ses bras, elle le trouvait tellement mignon, et si doux. « parlez moi d'Oncle Palladius. »

« C'est notre grand-père, » dit un chaton à la fourrure blanche avec des tâches noires, il avait une curieuse apparence, car un de ses yeux était entouré de noir.

« Oncle Palladius est très vieux et très sage, c'est l'oncle de la moitié des chats de la Vallée. Notre mère, qui s'appelle Boule de Neige, vit avec lui actuellement, il n'a pas de famille directe. »

« Voila notre mère ! » s'écria un autre chaton, Dot leva la tête et vit une chatte entrer dans la pièce, c'était la plus belle chatte qui lui eut été donné d'admirer.

Boule de Neige était grande et très grâcieuse, sa fourrure était d'un blanc immaculé sans aucune tâche. Elle vint s'asseoir auprès de Dot et lui demanda : « mes enfants vous ils importunée ? »

« Oh non ! » répondit Dot, « ce sont les petits chatons les plus mignons du monde. »

Boule de Neige sourit d'un air flatté.

« Je trouve moi-même que les chats du numéro 9 sont les meilleurs, » dit elle, « ce sont les plus beaux et les plus paresseux de tous1, nous pouvons dormir plus longtemps que n'importe quelle autre famille. Et pendant les concerts de minuit, la voix d'Oncle Palladius est si forte qu'elle estompe toutes les autres. »

« C'est quoi ces concerts de minuit ? » demanda la fillette.

« J'aimerais bien que vous puissiez en écouter un, » répondit Boule-de-Neige, « vous avez sans doute remarqué la rampe autour des toits de nos maisons. Eh bien, au milieu de la nuit, on s'installe dessus et nous faisons un grand concert. Il n'y a personne pour nous jeter des cailloux ou des vieilles chaussures, alors on en profite. La maison qui miaule le plus fort, avec la plus grande variétés de sons, est considérée comme la plus aristocratique de la Vallée, et je suis fière de dire qu'Oncle Palladius et moi soyons les meilleurs dans ce domaine. »

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« Oh oui ! » intervint Oncle Palladius, d'une voix grave et profonde, « je me flatte de pouvoir être entendu dans toute la Vallée. »

« Mais les chatons, ils arrivent à grimper sur le toit ? » demanda Dot.

« Non, bien sûr, » répondit Boule-de-Neige, « il n'y a que ceux qui sont assez grands et assez forts pour monter qui peuvent participer aux concerts. Mais les tout petits ont le plaisir de se relaxer devant le feu en nous écoutant. »

« Vous faites du feu ? » demanda l'enfant.

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« Oui, pour nous, il n'y a rien de plus agréable que s'étendre devant un bon feu de cheminée. Quand les nuits sont fraîches, il y a du feu dans toutes les maisons, et nous, les matous, restons devant, bien installés sur des coussins à profiter de la chaleur. Nous avons l'habitude de dormir toute la journée et une partie de la nuit, sauf pendant les concerts, qui commencent vers minuit et finissent au petit matin. »

« Vous devez bien vous amuser. » dit Dot, avec une touche d'envie.

« Oh oui ! » répondit la chatte blanche, « mais je crois que le dîner est prêt, si vous le voulez bien, nous allons passer à table. »

La fillette s'avança vers la table basse, elle  était curieuse de savoir comment se nourrissaient ces chats, et ce qu'ils mangeaient. Elle vit une rangée de bols blancs posés sur une nappe blanche, chacun était rempli de lait frais. Au bout de la table il y avait des assiettes de pain frais à la croûte dorée.

Les chatons amenèrent des coussins de chaque côté de la table et s'assirent dessus, leurs têtes étaient juste à la hauteur de leurs bols. Dot fut installée à un bout de la table, avec Boule-de-Neige à sa droite et Oncle Palladius en face d'elle à l'autre bout.

« D'où vient ce lait délicieux ? » demanda la fillette.

« Nous en avons plusieurs sources dans la Vallée où il coule constamment. » répondit Boule-de-Neige.

« Et le pain, d'où il vient ? » demanda ensuite Dot.

« Il pousse sur les grands arbres que vous avez vus un peu partout. On grimpe sur les arbres à pains tous les jour pour récolter des miches fraîches. »

« Vous ne chassez pas de souris ? » demanda Dot.

« Grand dieu, non ! » s'écria Boule-de-Neige d'un air horrifié, « croyez vous que les souris seraient assez folles pour s'aventurer dans la Vallée des Matous ? »

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« Je ne crois pas, » répondit la fillette, « mais je pensais que les chats aimaient les souris. »

« Je n'ai jamais vu ces affreuses bêtes, » répondit la chatte blanche, « mais selon une tradition de notre Vallée, un jour nos aïeux ont trouvé des souris ici, peut être les ont ils mangées, pour ce que j'en sais, personne n'est capable de dire ce qu'ils en ont fait. Depuis, à ma connaissance, aucun d'entre nous n'a mangé autre chose que du pain et du lait. »

« Ce pain et ce lait sont tellement bons, » dit Dot, « que je n'ai plus envie de rien manger d'autre. »

« Nous non plus, il n'y a rien de meilleur. » répondit Boule-de-Neige.

Après le dîner, les chats se débarbouillèrent soigneusement avant de quitter la pièce pour accompagner Dot à la maison du Roi Felis, où ils retrouvèrent Tot et la Reine entourés d'une foule de matous.

« Dot ! » s'écria Tot en voyant la petite fille, « quand on a fini de manger, j'ai porté les chatons gris dans mes bras sans les faire tomber une seule fois ! »

« Il a été sage ? » demanda Dot à la cousine Tigrée.

« Oh, oui, » répondit celle-ci.

« Maintenant, » dit la Reine, « il faut dire au revoir à nos amis, car il nous faut continuer notre voyage. »

Ils retournèrent au bateau, et tous les matous, le Roi Felis et l'Oncle Palladius à leur tête, les accompagnèrent pour les saluer une dernière fois.

Alors qu'ils s'étaient remis à voguer sur la rivière, la Reine demanda à Dot :  « comment avez vous trouvé ces matous ? »

« Adorables ! » s'exclama la fillette, « j'aurais bien aimé passer la nuit avec eux. »

« Oh, moi, j'éviterais, » répondit la Reine, « la dernière nuit que j'ai passée dans cette Vallée, les chats hurlaient tellement fort que ma cire commençait à se fendre. Il vaut miex leur rendre visite en plein jour. »

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« Pourquoi le Roi s'appelle Felis ? » demanda Dot, après un moment de réflexion.

« Parce que sa race s'appelle ainsi, les noms que nous portons ont tous un sens, au Pays Joyeux. » répondit la Reine.

« J'imagine que votre nom a aussi un sens, si seulement nous le connaissions. » se hasarda timidement Dot.

« Oh, mince alors ! » s'écria la Reine, « je ne vous l'ai pas encore dit ? »

« Non. » répondit Dot.

« Alors j'ai du oublier que vous me l'aviez demandé, parfois, je suis vraiment étourdie, veuillez m'en excuser, je ne voulais pas être impolie. » dit son Altesse, puis elle se tourna vers Tot : « et vous, comment avez vous trouvé la Vallée des Matous ? »

« Génial ! » dit le petit garçon, « les chatons étaient gentils, le pain et le lait étaient drôlement bons. Mais les portes... » ajouta-t-il, « elles sont trop hautes, c'est pas pratique. »


1Dans la logique Baumienne, la paresse est une grande vertu chez les chats, alors que chez nous elle est un énorme défaut.

 

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