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Dot et Tot au Pays Joyeux - Chapitre 7

Le Pays des Clowns

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La maison de Flippityflop consistait en une grande pièce en dessous de l'estrade, éclairée par une douce lumière provenant de lampes électriques dissimulées.

Des tentures en soie jaune vif tapissaient les murs, le sol était couvert d'une moquette écarlate. Tout tout autour de la pièce, il y avait une large banquette couverte de coussins moelleux de velours pourpre, et au centre, une petite table bleue argentée.

Dot remarqua une série de portraits de Clowns aux couleurs criardes sur les murs, quand Flippityflop s'aperçut qu'elle les regardait, il dit :

« Ce sont des portraits de mon père, de mon grand-père et de mon arrière-grand-père. Ils étaient tous Princes de cette Vallée du Pays Joyeux, c'étaient de grands hommes autant que de grands Clowns. » 

« Ils ont l'air marrants. » dit Dot. 

« Ils étaient marrants, et ils ont réconforté des milliers d'enfants. Mais vous avez peut être faim, permettez moi de vous convier à ma table, que voulez vous manger ? »

« Qu'est ce que vous avez ? » s'enquit Tot.

« Eh bien, j'ai de la friture de poissons rouges, des renoncules bouillies et des lacets de chaussures marinés dans du vinaigre. »

« J'en veux pas ! » répondit Tot.

« Manger ce genre de chose ? C'est insensé. » dit Dot.

« Bien sûr que c'est insensé, » confirma Flippityflop d'un ton joyeux, « ici, tout ce que nous faisons est insensé, vous ne devez pas vous attendre à rencontrer de la sagesse dans un pays de Clowns. »

« Bien sûr. » répondit Tot.

« Vous pourriez envoyer quelqu'un chercher notre panier dans la barque ? On aimerait mieux manger ce que nous avons rapportés. » dit Dot.

« Certainement ! » répondit le Prince, et aussitôt, il sortit sa tête par la trappe et demanda à un Clown qui se trouvait dehors d'aller chercher le panier.

Le Clown revint avec une remarquable rapidité, alors Flippityflop aida Dot à étendre la nappe blanche sur la table bleu argenté, et les enfants se mirent à manger des sandwiches, du gâteau et de la tarte aux pommes qu'ils avaient amenés.

« Voudriez vous boire quelque chose ? » demanda le Prince.

« Oui, j'ai soif, » répondit Dot, « avez vous du lait ? »

« Non, on ne boit pas de lait dans cette Vallée, » répondit il, « mais nous avons de l'excellente peinture verte, ou, si vous préférez, nous avons aussi du très bon laxatif. »

« Non, merci, » dit Dot, « on peut pas boire çà. Peut être pourrait on boire de l'eau de la rivière ? »

« Mais c'est tout mouillé, l'eau ! » s'exclama le Clown, « vous allez être complètement trempés, j'espère que vous ne comptez pas en boire ! »

« Si, on est habitué à boire de l'eau. » dit la fillette.

On leur amena donc de l'eau, et Dot et Tot en burent de longues rasades rafraichissantes, ce qui affola Flippityflop, qui essaya, en vain, de les convaincre d'avaler une poignée de sciure de bois pour absorber l'humidité.

« Est ce que tous les Clowns vivent dans cette Vallée ? » demanda la fillette.

« Oui, tous, sauf ceux que nous envoyons dans le monde pour amuser les enfants, » répondit Flippityflop, « voyez vous, nous les entraînons quotidiennement, et tous les ans, l'un d'eux est sélectionné pour aller dans le monde. »

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« Comment ils font pour y aller ? »

« Dans les montagnes qui entourent notre Vallée, sur  le point le plus élevé, il y a un passage moins escarpé que le reste. Le Clown qui nous quitte emprunte ce passage et se retrouve au sommet d'une montagne, alors il se met en boule, comme on le lui a appris, et il dévale sur le versant opposé en roulant et se retrouve dans le monde extérieur, où il se met à la recherche d'un cirque pour s'y faire embaucher. »

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« Ah oui ! » s'exclama Dot, « j'en ai vu... dans des cirques... »

« Évidemment, c'est l'endroit le plus approprié pour des Clowns. Font ils rire les enfants ? »

« Des fois. » répondit la petite fille.

« S'ils ne les font pas rire, » expliqua gravement Flippityflop, « c'est que ce sont des faux Clowns qui n'ont pas été formés dans cette Vallée du Pays Joyeux. Il n'y a que les vrais Clowns qui arrivent à vous faire rire. Mais venez, il est l'heure, tout le monde va se réunir sur les estrades pour l'entrainement du soir, aimeriez vous y assister ? »

« Oh oui, bien sûr ! » s'écria joyeusement Dot, et Tot qui frappait des mains répéta en écho : « bien sûr ! »

Flippityflop les fit passer par la trappe et ils se retrouvèrent sur l'estrade matelassée, de là, ils assistèrent à un spectacle aussi étrange que joyeux.

Des deux côtés de la rue, toutes les estrades étaient occupées par des Clowns qui se livraient à des numéros extraordinaires. Des lumières électriques étaient suspendues dans tous les arbres, produisant une vive clarté qui permettait aux enfants de tout voir.

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« Suivez moi, » dit leur ami, « je vais vous faire visiter les rues, comme çà, vous pourrez voir tout ce que font mes frères. »

Ils descendirent de l'estrade du Prince et se rendirent à l'estrade voisine, où trois Clowns parés de couleurs vives faisaient des cabrioles et des pirouettes, à chaque bond ils criaient d'une voix aigüe : « cool, Raoul ! », et souvent, l'un d'eux trébuchait et tombait sur la tête ou le dos.

Quand celà arrivait, ils n'étaient pas blessés, car l'estrade était rembourrée, alors ils se relevaient immédiatement et recommençaient en riant de leur propre maladresse.

Sur l'estrade suivante, il y avait des Clowns jongleurs, l'un d'eux avait placé une échelle sur ses épaules, un autre y grimpa jusqu'au dernier échelon où il se mit sur la tête.

À un autre endroit, des Clowns lançaient des petites boules d'argent en l'air et les rattrapaient avec adresse.

Presque au bout de la rue, un Clown en costume violet à pois verts avec un bonnet pointu sur la tête était en train de chanter une chanson comique, ils s'arrêtèrent pour l'écouter, voici les paroles :

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Un bouc entra un jour chez un barbier
« Taille ma barbe, » lui dit le bouc,
« Et fais moi une coupe à la mode. »
Rase, barbier, rase rase donc, rase rase donc, barbier !
Le barbier se mit à tailler
Mais son ciseau glissa
Rase, barbier, rase rase donc !
Alors Monsieur le Bouc, en bêlant de colère
Sauta de son siège d'un grand bond,
Il fonça sur le barbier et le jeta à terre.
Rase, barbier, rase rase donc !
« C'en est trop ! » lui cria-t-il, « je vais t'apprendre, moi !
Si c'est ainsi que les barbiers traitent leurs clients,
Je m'en vais me laisser pousser la barbe ! »
Rase, barbier, rase rase donc, rase rase donc, barbier !


À la fin de chaque couplet, un autre Clown lui donnait un grand coup de fouet qui le faisait sauter en l'air, ses grimaces étaient si comiques que Dot et Tot riaient à gorge déployée et applaudissaient avec enthousiasme.

De l'autre côté de la rue, il y avait un autre clown chanteur vêtu d'un drôle de costume, tout blanc d'un côté et tout rouge de l'autre. Il tenait son chapeau en équilibre sur le bout de son nez, puis, au bout d'un moment, il le fit tomber à terre en s'inclinant et se mit à chanter la chanson suivante :

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Le petit Tommy Harris
Fit un voyage à Paris
Là, il entra dans une tente
Où il vit un firmament convexe
Puis il jeta un coup d'œil dans une cabine
Où il vit un requin édenté
Il entendit un sourd chanter à tue-tête
Il vit un éléphant rouge
Puis il marcha dans la rue
Il vit un lampadaire en train de boire et de manger
Il entendit une tortue rugir bruyamment
Il vit un arc-en-ciel à travers une porte
Puis un homme sans jambes
Danser sur un œuf de cheval
Puis un clocher sur un dôme qui lui cria :
« Tu ferais mieux de rentrer chez toi, mon garçon. »
Alors que Tommy se dépêchait de rentrer chez lui,
Il se réveilla dans son lit !
Le petit Tommy Harris
N'était jamais allé à Paris !

L'expression du chanteur était si drôle que Tot en poussa un cri de ravissement, quant à Dot, elle riait aux larmes. Ce numéro était un régal pour les enfants, et ils furent très tristes quand une cloche sonna pour annoncer la fin des clowneries.

Aussitôt, tous les Clowns plongèrent tous dans les trappes de leurs estrades respectives, Flippityflop expliqua qu'ils étaient partis se coucher et qu'il ne réapparaitraient qu'au matin.

Les enfants étaient plutôt fatigués par toutes les aventures de cette journée, aussi, quand Flippityflop les reconduisit dans la chambre sous son estrade, ils s'allongèrent sans tarder sur le banc matelassé le long du mur, et en moins d'une minute, ils étaient profondément endormis, blottis dans les bras de l'un de l'autre.

Le matin, ils furent réveillés au son d'une douce musique. Dot se redressa en demandant : « c'est quoi, çà ? » 

« C'est mon réveil-matin, » répondit Flippityflop, qui était allongé sur le sofa à l'autre bout de la pièce, « grâce à lui, je sais quand je dois me lever. »

« Il est bizarre votre réveil-matin. » dit la fillette.

« Peut être, mais il est bien utile, » répondit le Clown, « il y a une grande boîte à musique sous le banc qui se met en route tous les matins à sept heures. Comme çà, au lieu d'être arraché à mon sommeil par l'affreux tintamarre d'un réveil-matin, j'ouvre les yeux dans un climat serein, alors je me lève le cœur léger et de bonne humeur. »1

« Je le trouve chouette, votre réveil-matin. » dit Tot.

« Resterez vous pour le petit déjeuner ? » demanda le Prince, « je vais prendre des coquilles d'œufs brouillées et une friture de boutons. Les coquilles d'œufs entretiennent la blancheur de notre teint, et nous adorons çà. » 

« Je préfère prendre quelque chose dans notre panier, » répondit la petite fille, « mais Tot peut manger les coquilles d'œufs et les boutons si il veut. »

« J'en veux pas ! » s'écria Tot, « je veux du pain et du beurre. »

« C'est vraiment étonnant ! » dit le Clown, « vous avez des goûts bizarres, vous autres les enfant ! »

Il les laissa cependant prendre leur petit déjeuner avec ce qu'ils avaient amené. Quand le repas fut terminé, Dot lui dit : « nous devons partir maintenant, mais j'aimerais d'abord vous remercier pour le ravissant séjour que nous avons passé dans votre Vallée, nous vous aimons beaucoup, vous les Clowns. »

« Vous êtes des gentils Clowns. » ajouta Tot, avec conviction.
 

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« Çà me fait de la peine que vous partiez, » dit Flippityflop, « mais je comprends que vous ne puissiez rester, surtout si vous devez rencontrer notre Reine. »

Il prit leur panier et en une longue procession, tous les autres Clowns les suivirent jusqu'à la rive pour leur faire leurs adieux.

Une fois qu'ils furent assis dans la barque et que reprit leur périple sur la rivière, le chœur des Clowns interpréta une comptine en guise de chant de départ.

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Tout en riant, Dot et Tot agitaient leurs mouchoirs pour saluer leurs amis, mais une fois qu'ils eurent atteint l'arcade conduisant à la Vallée suivante, l'ombre de la roche les recouvrit et la Première Vallée du Pays Joyeux disparut de leur vue. Alors, en soupirant, ils se tournèrent vers l'avant, prêts à faire face aux aventures qui les attendaient.

 

1De nos jours, être réveillé en musique est banal, mais à l'époque de L. F. Baum, il n'y avait pas de radio-réveils programmables, le bouquin est de 1901, rappelons le (NdT).

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