L'Agent Geai - 16

La Danse de la Beauté

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Peu après, ils parvinrent à une autre étendue d'eau plus grande, Étincelle trouva que c'était le plus beau lac qu'elle eut jamais vu. Ses eaux étaient d'un bleu profond, bien que leur couleur changeât constamment. De petites vagues frisottaient à la surface, et leurs bords étaient de diamants étincelants qui s'éparpillaient et retombaient au fond du lac, lançant des milliers de petits éclairs. Là, il n'y avait pas de joncs sur la berge, mais des massifs de fleurs magnifiques qui poussaient jusqu'à la limite de l'eau, si bien que les plus proches avaient leurs pétales qui y trempaient.

Le Messager Royal se posa sur un de ces massifs, puis il se tourna vers ses compagnons et leur dit :

« Reposons-nous ici un moment, tandis que j'appelle mes amis poissons pour qu'ils vous divertissent. »

Il conclut ces paroles avec un drôle de gazouillement, aussitôt, une vingtaine de poissons sortirent la tête de l'eau. Il y avait des poissons rouges, des argentés, les autres étaient d'une belle couleur d'opale. Leur expression était sympathique, Bouboule se dit que leurs yeux devaient être en diamant tant ils brillaient.

En nageant doucement ici et là dans les eaux pures du Lac Brillant, les poissons se mirent à chanter :

Un banc de Raies (ré),
de soles (sol)
et de poissons scies (si)
nagent au milieu (mi)
de l'océan sur le dos (do)
Comme une portée musicale emportée par les vagues1

Agent geai934Une fois qu'ils eurent conclu leur chanson, les poissons firent une pirouette et disparurent sous les eaux, on avait du mal à dire ce qui était le plus brillant, leurs corps dorés et argentés ou les éclaboussures de diamants qu'ils projetaient autour d'eux.

« Si vous vous baignez dans ce lac, » dit Ephel le Messager, « vos plumes dégoulineront quand vous en ressortirez. C'est ici que nous autres, Oiseaux de Paradis, nous baignons chaque matin, après quoi nous nous rendons à la Clairière Lumineuse pour exécuter notre Danse de la Beauté. »

« J'aimerais bien voir cette clairière. » dit Étincelle, déterminée à voir tout ce qu'il y avait d'intéressant.

« Vous la verrez, » s'empressa de répondre Ephel, « nous allons nous y rendre tout de suite. »

Il les conduisit jusqu'à un bosquet plus épais que ceux qu'ils avaient vus jusque-là. Les troncs étaient si rapprochés les uns des autres que les oiseaux ne pouvaient passer entre eux que sur une file, alors qu'ils suivaient le mouvement, ils parvinrent à un espace circulaire, que les Enfants-Alouettes devinèrent être la Clairière Lumineuse.

Le sol était en or poli, en se tenant dessus, ils s'y voyaient comme dans une glace. Les arbres qui les entouraient, également en or, étaient décorés de motifs gravés sophistiqués et de rangées de diamants. Cependant, les feuilles avaient des reflets argentés, elles luisaient tellement qu'elles auraient pu servir de miroir, réfléchissant les images des observateurs des milliers de fois, quel que fut le côté où l'on se tournât.

Les reflets de ces feuilles-miroirs étaient particulièrement intenses, mais Ephel affirma qu'ils l'étaient encore plus au matin, quand la lueur rosée de l'atmosphère était encore faible.

« C'est alors que le Roi des Oiseaux et la Noblesse du Paradis, parés de leur plus beau plumage, viennent ici après leur bain et interprètent la Danse de la Beauté sur ce sol doré, » expliqua-t-il, « cela les réchauffe et fait sécher leurs plumes. De plus, pendant qu'ils dansent, ils peuvent admirer leurs reflets dans les miroirs, ce qui leur donne encore plus de plaisir. »

« Ils ont pas de musique pour danser dessus ? » demanda Bouboule.

« Bien sûr que si, » répondit le Messager, « il y a un orchestre qui joue d'exquises mélodies pour la danse, mais les musiciens sont des Oiseaux de Paradis femelles, à cause de leur plumage d'un modeste brun, elles ne sont pas autorisées à participer à la Danse de la Beauté. »

« Je trouve que les oiseaux bruns avec la poitrine gris clair sont aussi jolis que ceux qui ont des couleurs, » dit Étincelle, « les oiseaux mâles sont trop brillants, ils me font mal aux yeux. »

Ephel n'appréciait guère ce qu'elle venait de dire, car lui-même était très fier de ses superbes couleurs, mais il était trop poli pour contredire son hôte, alors il fit mine d'ignorer cette remarque.

« Jusqu'à maintenant, vous avez vu ce qu'il y avait de plus intéressant dans notre merveilleux pays, » dit-il, « mais il y a des choses assez curieuses dans la banlieue, qui peuvent vous amuser. »

« Ah bon ? Vous avez aussi des banlieues ? » demanda-t-elle.

« En effet, nous n'aimons pas la proximité du monde extérieur, vulgaire et sinistre, nous avons donc placé les créatures volantes qui ne sont pas des oiseaux à la périphérie de notre Paradis, non loin de la limite de la grande forêt. Elles nous servent quand nous avons besoin d'elles, elles se soumettent à nos lois et à nos règles, mais elles se sentent tellement privilégiées de vivre dans notre glorieux Paradis, qu'elles obéissent de bonne grâce à leurs maîtres. Après tout, elles sont heureuses, et leurs habitudes, comme je vous l'ai dit, pourraient vous amuser. »

« Qui elles sont ? » demanda Bouboule.

« Suivez-moi, et vous le saurez. »

Ils s'envolèrent du bosquet de la Clairière Lumineuse, puis Ephel les conduisit, par des trajets plaisants, jusqu'à un grand jardin avec plein de fleurs, principalement des roses trémières, jaunes, blanches et mauves.Agent geai935

1 Poème de David Morage (NdT).

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