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L'Agent Geai - 17

La Reine des Abeilles

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Sur le trajet, ils entendirent un bourdonnement sourd, il s'amplifia à mesure qu'ils approchaient, attisant leur curiosité.

« Qu'est-ce-que c'est ? » demanda enfin Étincelle.

Ephel répondit : « C'est la banlieue réservée aux abeilles. »

« Mais les abeilles ne sont pas des oiseaux ! » s'écria Étincelle.

« En effet, comme je vous l'ai dit, les banlieues sont peuplées de créatures volantes qui ne sont pas des oiseaux, et ne peuvent donc pas vivre dans notre partie du Paradis. Mais comme elles ont des ailes, et qu'elles aiment les fleurs et les fruits autant que nous, nous les avons prises sous notre protection. »

Ephel se percha sur un petit buisson, et tandis que les Enfants-Alouettes venaient se poser à côté de lui, il poussa un drôle de sifflement. Le bourdonnement s'amplifia, puis des centaines de grandes abeilles surgirent et se mirent à voleter au-dessus des fleurs. Mais aucun ne s'approcha du buisson, à part une qui était plus grosse que les autres, elle avait le corps strié de bandes noires et dorées, elle vola lentement vers les visiteurs et se posa gracieusement sur une branche en face d'eux.

Agent geai936

Elle avait une fine fourrure frétillante, et elle était presque de la taille d'Étincelle, qui eut un mouvement de recul en sa présence et s'écria :

« Ooooh ! J'ai peur qu'elle me pique ! »

« C'est ridicule ! » répondit l'abeille en riant d'une petite voix joyeuse, « nos dards ne sont destinés qu'à nos ennemis, et comme nous n'en avons pas dans ce Paradis, nos dards ne servent à rien. En fait, j'oublie presque que j'en ai un, c'est parce que vous en parlez. »

Elle marmonnait un peu en parlant, comme si elle avait quelque chose dans la bouche, cependant, elle était parfaitement compréhensible.

« Permettez-moi de vous présenter Sa Majesté la Reine des Abeilles, » dit leur guide, « Votre Majesté, voici de petits Enfants-Alouettes qui sont les hôtes de notre Roi. Je les ai amenés pour qu'ils fassent votre connaissance. »

« Qu'ils soient les bienvenus, » répondit la Reine des Abeilles, « aimez-vous le miel ? » demanda-t-elle à l'adresse des enfants.

« Des fois, » répondit Bouboule, « mais on vient de manger, on est pleins à ras-bord maintenant. »

« Vous voyez, » expliqua la Reine, « mes congénères, comme toutes les abeilles, sont occupées à récolter le miel de chaque fleur. »

« Qu'est-ce-que vous en faites ? » demanda Étincelle.

« Nous en mangeons une partie, et nous stockons le reste pour les jours de pluie. »

« Il pleut, ici ? » s'enquit Bouboule.

« Oui, quelque fois la nuit, quand nous sommes toutes endormies, ça rafraîchit les fleurs et les aide à pousser. »

« Mais s'il pleut la nuit, ce sont pas des jours de pluie, » fit remarquer Étincelle, « alors, ça sert à rien de stocker votre miel. »

« Vous avez raison, » répondit la Reine en riant gaiement, « d'habitude, dans le monde extérieur, les gens volent nos réserves, ça nous incite constamment à en récolter plus. Ici, il n'y a pas de voleurs, c'est pourquoi le miel s'accumule au point que nous ne savons qu'en faire. Nous avons bâti un village de ruches, et j'ai fait construire un splendide palais en miel par mon peuple. Mais c'est dans notre nature de récolter ce délicieux nectar, que nous en ayons besoin ou non. Prochainement, j'ai l'intention d'ériger une montagne de miel. »

« J'aimerais bien voir ce palais en miel. » dit Étincelle.

« Alors suivez-moi, » répondit la Reine des Abeilles, « je me ferai un plaisir de vous le montrer. »

« On peut ? » demanda la Fille-Alouette à Ephel.

« Bien sûr, » répondit-il, « il est magnifique, ça va vous plaire. »

Ils prirent tous leur envol à la suite de la Reine des Abeilles, et passèrent au dessus du massif de fleurs où s'affairait la horde d'abeilles bourdonnantes.

« Ça me rappelle un poème que j'ai appris à l'école, » dit Étincelle en regardant ces centaines de gros insectes avec un peu d'appréhension.

« Que dit ce poème ? » demanda la Reine.

« Attendez que je me rappelle, » répondit la fillette « ah oui, c'est comme ça :

Bzz, bzz, viens petite abeille,
Apporte-moi un peu de miel,
Les beaux matins au réveil.

Des champs de lavande au soleil,
Sur la table près de la corbeille,
Aux cent mille merveilles.

Bzz, Biscuit le chat te surveille,
De l'acacia pour laper son lait miel,
Lève la patte, bouge ses oreilles.

Bzz, bzz, plus de soleil,
L'hiver se réveille,
Bzz, bzz, tu pars, petite abeille.

À bientôt, mais pas demain la veille.1 »

« C'est un très joli poème, » dit la Reine, « il est flatteur que les poètes nous admirent au point d'écrire sur nous, mais généralement, nous évitons de nous faire remarquer. »

« Pourquoi ? » demanda Étincelle.

« Parce que nous ne sommes que d'humbles travailleuses, et n'aimons guère nous retrouver sous le feu des projecteurs. »

Après avoir survolé les massifs de fleurs, ils arrivèrent en vue d'un village assez singulier, où les maisons étaient des ruches à la couleur dorée. Il y en avait de toutes les formes, certaines étaient grandes et comptaient plusieurs étages, d'autres étaient petites et n'en n'avaient qu'un seul, d'autres encore avaient des tourelles et des minarets qui s'élevaient haut dans les airs, toutes étaient disposées en rue et en avenues comme dans une ville.

Au centre se dressait une ruche immense comprenant tellement de pignons, de terrasses, de donjons et de tourelles qu'on devinait facilement que c'était le palais de la Reine des Abeilles.

Ils volèrent jusqu'à une fenêtre du deuxième étage et se retrouvèrent dans une grande pièce au sol aussi lisse que du verre. Il était pourtant composé d'une multitude de cellules hexagonales remplies de miel, on pouvait les apercevoir à travers le revêtement translucide. Les murs et le plafond étaient de la même matière, et au bout de la pièce, se trouvait un trône formé de cellules hexagonales comme le reste. Sur un banc, le long du mur, plusieurs grosses abeilles à l'air endormi étaient assises, qui s'éveillèrent à peine quand leur Reine entra.

Agent geai937« Ce sont des faux bourdons2, » dit elle à ses visiteurs, « il est inutile de les gronder pour leur paresse, car ils sont trop stupides pour faire attention à quoi que ce soit, même une grosse réprimande. Ne faites pas attention à eux. »

Après avoir admiré la salle du trône, ils visitèrent les chambres à coucher, qui étaient nombreuses, puis les salons, les salles à manger et les salles de travail.

Dans ces dernières, de nombreuses abeilles fabriquaient les cellules pour stocker le miel ou les empilaient, prêtes pour le retour de celles qui le récoltaient sur les fleurs.

« Nous ne sommes pas de véritables abeilles à miel, » dit la Reine, « mais le miel est notre principale occupation, après tout, et nous en récoltons beaucoup. »

« Vos maisons risquent pas de fondre quand il pleut ? » demanda Étincelle.

« Non, car les ruches sont en pure cire, » répondit la Reine des Abeilles, « l'eau ne les fait pas fondre du tout. »

« Où vous trouvez toute cette cire ? » demanda Bouboule.

« Elle vient des fleurs, bien sûr. Elle pousse dans les étamines, sous la forme d'une fine poussière appelée pollen, que nous transformons en cire. Chacune de mes abeilles porte deux sacs, l'un devant pour le miel, l'autre derrière pour la cire. »

« C'est bizarre. » dit le Garçon-Alouette.

« Peut-être pour vous, mais pour nous, c'est la chose la plus naturelle du monde. »Agent geai938

1David Morage "Arc-en-ciel en musique" Éditions de l'Onde 2019 (NdT).

2Le faux bourdon est le mâle de l'abeille, son rôle consiste à la reproduction. Voir l'article Wikipédia sur le faux bourdon (NdT).

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