La fille volante - 1

Orissa

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The flying girl 1

« Puis-je y aller, M Burthon ? » demanda Orissa.

Il leva les yeux de son bureau et acquiesça. Il ne la vit probablement même pas, car son regard avait l'air perdu dans de profondes pensées.

Orissa se rendit au vestiaire, où elle prit son manteau et son chapeau. En se retournant pour les mettre, elle bougea une chaise qui grinça sur le sol ciré. Le bruit fit frémir M Burthon, et il sembla soudain réaliser ce que venait de lui dire la jeune fille.

« Mademoiselle Kane ! » s'exclama-t-il en la regardant d'un air surpris, « il n'est que seize heures. »

« Je sais, monsieur, » fit Orissa, embarrassée, « mais tout le courrier est prêt, et les actes et les virements sont en attente de votre signature. J'avais besoin d'une heure de libre en plus, ce soir, j'ai donc travaillé pendant l'heure du repas. »

« Ah, très bien, » dit-il sèchement, « mais je n'approuve pas ces irrégularités, Mademoiselle Kane, je pense que vous le comprenez. J'ai besoin de vos services pendant la semaine, et j'attends de vous que vous respectiez les horaires définis. »

« Bon, eh bien je reste, » répondit-elle en s'apprêtant à raccrocher son manteau.

« Non, vous pouvez y aller, c'est bon pour une fois. » dit-il en retournant à ses papiers.

Orissa ne voulait surtout pas contrarier son employeur, elle ne pouvait se le permettre. C'était son premier emploi, et comme elle était jeune et encore d'apparence juvénile, elle trouvait difficile de garder sa place. Peut-être Monsieur Burthon l'avait embauchée durant un de ces moments de distraction. Cependant, elle était compétente dans son travail, plus que n'importe quelle secrétaire que l'agent immobilier avait eue auparavant, aussi, l'idée de la perdre lui répugnait, autant qu'elle craignait d'être renvoyée. Mais Orissa l'ignorait, et elle hésitait.

« Allez-y, Mademoiselle Kane, » dit son employeur, d'un ton agacé, « j'insiste... pour aujourd'hui. »

Comme elle avait hâte de rentrer chez elle, la jeune fille profita de cette permission pour quitter le bureau, tout en se sentant un peu coupable d'abréger ainsi son temps de travail.

Elle avait un long trajet à faire. En quittant le bureau à seize heures, il lui faudrait quarante minutes jusque chez elle, elle pressa de traverser la rue et monta dans un tramway dont le panneau indiquait Beverly. Los Angeles est une grande ville, car elle s'étend de l'océan Pacifique aux montagnes – une distance considérable de plus de cinquante kilomètres. Cependant, c'est encore plus grand que ce que l'on croirait, parce que sur des kilomètres dans toutes les directions, les villages forment véritablement la banlieue de la métropole de Californie du Sud, et leurs habitants s'y déplacent chaque jour pour les affaires ou le shopping.

Tram1

C'était vers un de ces quartiers périphériques que se dirigeait Orissa Kane. Ils possèdent des voies rapides vers le sud-ouest, et le tramway, qui suivait régulièrement ses rails, se dirigeait vers le nord, et rejoignait finalement la mer en passant par plusieurs villages. On était au mois d'août, et un soleil éclatant avait pris possession d'un ciel sans nuages. Pourtant, la brise de l'océan, qui arrivait régulièrement en début d'après-midi, rafraichissait l'air et le rendait revigorant.

Cette jeune fille se montrait rarement en public sans attirer l'attention de quiconque la croisait. Les contours et le teint de son visage étaient presque parfaits, de plus sa taille était fine et son maintien grâcieux était plus discret que timide.

Une personnalité aussi charmante aurait dû être vêtue d'habits élégants, mais hélas, la pauvre robe d'Orissa, vendue dans les boutiques de prêt à porter, était en toile bon marché, cependant, elle était seyante, ainsi que son chapeau de paille des plus ordinaires entouré d'un bon mètre de ruban en coton. Un gentleman entre deux âges, assis avec sa femme derrière Orissa, avait succintement commenté son cas :

« Si cette demoiselle était notre fille, » dit-il, « je l'habillerais élégamment, même si je devais y dépenser tout mon argent. Bon sang ! N'a t'elle donc personne qui l'aime et s'occupe d'elle ? Elle me fait penser à une œuvre d'art digne d'être placée sur un pîédestal, avec des bijoux et des colliers afin que tous l'admirent. »

« Peuh ! » fit la dame, « une jeune fille comme elle sera admirée, quoi qu'elle porte. »

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