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Yew, l'Île Enchantée - 15

Le Grand Ki de Twi

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Yew 015 01

 

« Dites moi donc, Prince, sommes nous éveillés ou endormis ? » demanda Nerle une fois qu'ils furent seuls.

« Pour sûr, nous sommes bien éveillés, » répondit le Prince en riant, « mais quel curieux pays est ce là, et quels drôles de gens ! »

« En tous cas, on ne peut pas les qualifier de singuliers, » fit remarquer l'écuyer, « car ici, tout est en double, rien que de les regarder, j'ai la tête qui tourne, et je dois faire un effort pour me convaincre qu'il n'y a qu'un seul moi-même. » 

« Vous n'êtes qu'une moitié de garçon, » dit le Prince, toujours en riant, « du moins, vous le serez aussi longtemps que vous resterez dans le Pays de Twi. » 

« J'aimerais m'enfuir d'ici en mettant les bouchées doubles, » répondit Nerle, « nous serions déjà revenus de l'autre côté de la haie si cette méchante paire de Ki-Ki n'était déterminée à nous tuer. » 

« C'est étrange, »  dit pensivement le Prince, « ces vieux Ki à l'air féroce sont nos amis tandis que les Ki-Ki, à l'air si gentil, sont nos ennemis. Comme quoi l'on ne peut deviner ce qu'une personne a dans le cœur en se fiant à son apparence. » 

Avant que Nerle ne puisse répondre, les deux portes s'ouvrirent et deux paires de soldats entrèrent. Ils poussèrent deux petites tables roulantes devant le Prince et deux devant Nerle, deux autres paires de soldats jumeaux arrivèrent, ils étendirent des nappes sur les tables et servirent à chacun deux plateaux de viande, ainsi que des pains et des fruits en doubles exemplaires. Une fois que le repas fut servi, les prisonniers s'aperçurent qu'il y avait à manger pour quatre personnes au lieu de deux, les soldats le remarquèrent aussi, car ils lançaient des regards perplexes aux tables ainsi qu'aux prisonniers. Ils finirent par hocher leurs têtes jumelles d'un air grave et sortir, sans oublier de fermer les portes jumelles à clefs.

« C'est un avantage pour nous d'être uniques, » dit joyeusement Nerle, « nous ne risquons pas de mourir de faim, puisque nous pouvons manger les portions de nos jumeaux absents en plus des nôtres. » 

« J'aurais pensé que çà vous ferait plaisir de mourir de faim. » remarqua le Prince.  

« Non, depuis que j'ai rencontré ces charmants Ki-Ki, je pense que des souffrances plus exquises m'attendent. » dit Nerle.  

Pendant qu'ils mangeaient, les deux capitaines entrèrent et s'assirent sur deux chaises, ils avaient l'air plutôt amicaux, et après avoir regardé les étrangers manger un moment, ils dirent :

« Nous sommes heureux de vous voir manger de si bon cœur, car demain, vous serez sûrement morts. » 

« Rien n'est moins sûr, » répliqua Merveille, en coupant un morceau d'une des doubles volailles dans un des deux plateaux, à la grande surprise des capitaines, qui avaient toujours vu des doubles volailles découpées de la même manière au même moment.  « vos Ki à barbes grises disent que nous ne mourrons pas. » 

« Exact, » répondirent les capitaines,  « mais les Ki-Ki ont déclaré le contraire. » 

« Leurs pouvoirs ont l'air d'être égaux, » dit Nerle, « et l'on doit nous amener devant le Grand Ki pour être jugés. » 

« C'est là qu'est le danger pour vous, » répondirent les capitaines, parlant sur le même ton avec les mêmes accents dans la voix, « car tout le monde sait que le Ki-Ki a plus d'influence sur le Grand Ki que le Ki. » 

« Attendez un peu ! » s'écria Nerle, « vous me faites encore tourner la tête, je ne m'y retrouve plus dans tous ces Kis. » 

« À quoi ressemble ce Grand Ki ? » demanda le Prince Merveille, qui prenait grand intérêt à la conversation des capitaines. Mais les officiers semblaient incapable de répondre à cette question, ils secouèrent doucement la tête en disant :  

« Ils est impossible aux habitants de Twi de le voir. Il n'y a qu'en cas d'extrême importance que les Grands Ki peuvent être dérangés, ou même approchés par les Ki et les Ki-Ki, qui sont sont sensés gouverner le pays à leur guise. Mais s'il survient un différent entre eux, il est porté à l'attention des Grands Ki, qui vivent dans un palais entouré de grandes murailles sans portes. Seuls nos dirigeants ont déjà vu ce qui se trouvait de l'autre côté, et savent à quoi ressemblent les Grands Ki. »    

« Comme c'est étrange, » dit le Prince, « mais il semble que nous-mêmes allons rencontrer le Grand Ki demain, et qui qu'ils soient, nous comptons bien rester en vie après l'entretien. »  

« Vous vous bercez d'illusions, » répondirent les capitaines,  « car tout le monde sait que les Grands Ki ont l'habitude de juger en faveur des Ki-Ki contre les vieux Ki »  

« Voila qui est encourageant. » dit Nerle.  

Une fois que les capitaines eurent pris congé, l'écuyer dit à son maître :

« D'après ce que j'ai entendu, ce Grand Ki m'a l'air terriblement féroce, et comme ils vont certainement par paire, ils seront doublement féroces. Peut être que le royal doublon me torturera de manière exquise avant de me mettre à mort, ainsi, aurai-je le sentiment de n'avoir pas vécu pour rien. »  

Cette nuit là, ils dormirent dans des lits confortables, avec deux lits vides à côté de ceux qu'ils occupaient. Au matin, on leur servit un autre repas tout aussi excellent, après quoi les capitaines les escortèrent à nouveau jusqu'aux palais jumeaux du Ki et du Ki-Ki.

Les deux paires de dirigeants les y attendaient, ils prirent alors la tête d'une longue procession de soldats vers le palais du Grand Ki. Ils étaient précédés par une fanfare, où les paires de musiciens jumeaux jouaient d'une grande variété d'instruments plus étranges les uns que les autres. Nerle s'amusait à observer les soldats jumeaux frapper leurs tambours exactement au même instant et les trompettes jumelles égrener des notes jumelles. Après la fanfare, venaient le double Ki-Ki et le double Ki, leurs quatre corps côte à côte en ligne droite. Les Ki-Ki avaient laissé leurs instruments au palais, ils portaient des gants jaunes brodés de vert, et tenaient des cannes à pommeaux d'or qu'ils faisaient nonchalamment tourner en marchant. Les dos voûtés par l'âge, les Ki traînaient les pieds, les mains dans les poches, et on ne les entendit parler qu'une seule fois pour pousser un Grand Kika-koo ! quand les Ki-Ki leur écrasèrent les orteils avec leurs cannes.

Le Prince et Nerle venaient derrière, escortés par les capitaines jumeaux, suivis de deux colonnes de soldats jumeaux qui fermaient la marche.

Une foule de jumeaux et de jumelles adultes, ainsi que de nombreuses paires d'enfants jumeaux, se rassemblèrent pour assister à ce spectacle inhabituel. Sur leur passage, de nombreuses paires de chiens jumeaux aboyèrent de concert et tentèrent de mordre les mollets des soldats jumeaux.

Au bout d'un moment, ils atteignirent l'immense muraille entourant le palais du Grand Ki, et effectivement, il n'y avait nulle ouverture par où l'on eut pu entrer. Mais aussitôt que le Ki et le Ki-Ki eurent lancé un signal aigu avec deux paires de sifflets, l'on vit deux escaliers argentés descendre du haut de la muraille jusqu'aux pieds du Ki. Lentement et prudemment, les vieillards commencèrent à monter les marches, puis les soldats firent signe aux prisonniers de les suivre. Le Prince Merveille suivit l'un des Ki tandis que Nerle suivait l'autre, tandis que les deux Ki-Ki arrivaient derrière afin qu'ils ne puissent s'échapper,

Arrivés en haut de la muraille, ils furent accueillis par une paire de serviteurs jumeaux vêtus de jaune et de vert (qui semblaient être les couleurs royales), ils ramenèrent les doubles escaliers et les firent redescendre de l'autre côté dans le même ordre où ils étaient montés.

Le Prince Merveille et Nerle se retrouvèrent dans un jardin magnifique, remplis de double massifs de fleurs jumelles, avec des paires d'arbres des essences les plus rares. Il y avait aussi plusieurs doubles statuettes sur des piédestaux, ainsi que des doubles fontaines projettant les mêmes jets d'eau à la même hauteur.

Des doubles chemins parcouraient le jardin dans toutes les directions, et en son centre, se trouvait un magnifique double palais, bâti de blocs de marbre blanc délicatement taillés.

Le Ki et le Ki-Ki y conduisirent les prisonniers, ils y pénétrèrent par une grande double porte où plusieurs paires de serviteurs vinrent à leur rencontre. Comme ils s'en aperçurent bien vite, ces serviteurs étaient muets, au cas où ils se fussent échappés du palais, ils n'eussent alors rien pu raconter sur le Grand Ki..

Les prisonniers empruntèrent plusieurs paires de couloirs, tournant à droite ou à gauche, jusqu'à arriver enfin à une double porte dorée, derrière laquelle se trouvait la salle du trône du puissant Grand Ki. Ils s'arrêtèrent tous un instant, puis les Ki-Ki se tournèrent vers le Prince et Nerle pour leur dire :

« Vous êtes les seules personnes, à l'exception de nous-mêmes et ses serviteurs, autorisées à voir le Grand Ki de Twi. Comme vous êtes sur le point de mourir, cela n'a pas d'importance, mais si par chance il vous était permis de vivre, vous ne devrez jamais dire un mot de ce que vous allez voir, sous peine d'une longue et horrible mort. »  

Les prisonniers ne répondirent pas à ces paroles, alors les deux Ki-Ki leur lancèrent un regard plein de douceur de leurs grands yeux bleus, puis ils frappèrent de leurs deux paires de mains aux portes d'or qui s'ouvrirent aussitôt.

Il y eut un moment de silence, pendant lequel le double Ki et le double Ki-Ki s'inclinèrent très bas et pénétrèrent dans la salle du trône, suivis du Prince Merveille et de Nerle.

Au centre de la salle se trouvaient deux trônes en or délicatement ouvragé, des draperies de velours jaune à franges vertes étaient tendues au dessus. Sur les trônes étaient assises les plus charmantes et les plus délicieuses demoiselles qu'il eut été donné à un mortel de contempler. Leurs cheveux étaient aussi fins que des fils de la vierge, leurs yeux rieurs reflétaient la gentillesse, elles avaient des fossettes sur leurs joues lisses et leurs lèvres roses faisaient de petites moues mutines. Sur leurs têtes, elles portaient deux couronnes d'or finement ouvragé incrustées de joyaux étincelants, et leurs robes étaient de soie jaune striée de rangées d'émeraudes comme ornement.

Ni le Prince Merveille ni Nerle n'eussent pu rêver de deux telles beautés aussi semblables. Ils restèrent ainsi figés d'admiration, tandis que les deux paires de dirigeants s'inclinaient encore et encore devant les adorables personnes de leur Grand Ki.

Mais Nerle avait de plus en plus de mal à rester tranquille, et soudain il s'exclama, suffisamment fort pour être entendu de toute l'assistance :

« Par le Grand Kika-koo de nos amis les Ki, comme ces Grandes Ki de Twi sont charmantes, et comme j'aimerais les embrasser ! »  

 

Gk2

 

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