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Yew, l'Île Enchantée - 16

La rebellion du Grand Ki

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Les deux demoiselles se mirent à rire en même temps aux propos si hardis de Nerle, leurs voix étaient mélodieuses comme de la musique. Mais les deux Ki-Ki, contrariés, froncèrent les sourcils, quand aux deux Ki, ils jetèrent un regard surpris au garçon, incrédules face à une telle témérité.

« Qui sont ces étrangers ? » demandèrent les jolies jeunes filles composant le Grand Ki, en parlant ensemble, comme le faisaient tous les jumeaux de Twi, « pourquoi n'ont ils pas de double mais seulement la moitié d'eux-mêmes ? » 

« Il nous est impossible de répondre à ces questions, vos Suprêmes Grandeurs. »  répondit la paire de Ki-Ki à têtes blondes.  

« Les étrangers pourront peut être répondre eux-mêmes. »  dirent les petites demoiselles, adressant un sourire d'abord aux Ki-Ki puis aux prisonniers.

Le Prince Merveille s'inclina. 

« Je viens du grand monde extérieur, » dit il,  « mon nom est Prince Merveille. Jusqu'à aujourd'hui, je n'avais encore jamais vu de gens qui vivent en paires, parlent à l'unisson, agissent de la même manière et ont les mêmes pensées au même moment. Mon monde est bien plus grand que le votre, là, chaque personne est fière de penser et d'agir par elle-même. Vous dites que je ne suis qu'une moitié, mais ce n'est pas le cas. Je suis complet, mon ami Nerle est aussi complet, c'est vous qui n'êtes que des moitiés, car dans ce Pays de Twi, nul n'est complet sans l'autre moitié, et apparemment, il en faut deux de chacun d'entre vous pour faire un homme... ou une femme. » 

À l'écoute de ces mots, les deux visages des jeunes filles composant le Grand Ki prirent une expression pensive, et elles dirent  :

« En effet, vous avez sûrement raison. Mais c'est notre coutume, à Twi, de faire tout en double et de vivre en double. » puis, se tournant vers les Ki, elles leur demandèrent : « pourquoi avez vous amené ces étrangers ici ? » 

« Pour demander à vos Suprêmes Grandeurs de les autoriser à retourner dans le monde d'où ils viennent. » répondirent les Ki, en fixant tous deux leurs suprêmes dirigeantes d'un air grave.  

Mais les Ki-Ki intervinrent en disant de leurs douces voix :

« Ce n'est pas notre idée, vos Grandeurs. Nous, les Ki-Ki de Twi, pensons qu'il serait mieux de mettre ces étrangers à mort. Et nous prions vos Suprêmes Grandeurs d'accéder à notre requête.  » 

Les deux demoiselles regardaient tour à tour le Ki et le Ki-Ki, puis elles froncèrent les sourcils et pincèrent leurs lèvres roses dans une évidente perplexité.

Nerle murmura au Prince Merveille :

« C'en est fait de nous ! Je sais très bien pourquoi le royal doublon favorise toujours les Ki-Ki, c'est parce qu'ils sont jeunes et séduisants, tandis que les Ki sont vieux et laids. Elles vont toutes les deux nous condamner à mort, vous verrez ! »   

Cela avait l'air confus, mais Nerle était sérieux, le Prince Merveille, qui n'avait rien oublié de ses connaissances féériques, opéra une passe silencieuse sur la tête de la jumelle Grand Ki la plus proche de lui. Mais alors qu'il venait de finir et s'apprêtait à faire de même avec l'autre, le Ki-Ki perdit patience et s'écria :

« Nous vous en prions, vos Grandeurs, ne nous faites pas attendre plus longtemps et prenez une décision !  »   

Les deux demoiselles levèrent leurs jolies têtes et répondirent. Mais la réponse paralysa les Ki et les Ki-Ki de stupeur :

« Qu'ils meurent ! »  dit l'une des demoiselles.   

Tandis qu'au même instant, l'autre disait :

« Qu'ils vivent ! »   

Si un double éclair s'était abattu à travers le double toit du double palais et avait frappé les Ki et les Ki-Ki sur la tête, celà n'eût point paru aussi incroyable que ces paroles. Jamais, auparavant, des jumeaux du Pays de Twin n'avaient pensé ni parlé différemment. Les deux demoiselles étaient aussi surprises que l'assistance. Alors elles se tournèrent l'une vers l'autre, et pour la première fois de leur vie, chacune vit sa contrepartie en face  !

Ces paroles et cet acte étaient éminemment étranges, une pensée horrible surgit dans les têtes nauséeuses des Ki et des Ki-Ki ; le Grand Ki de Twi n'était plus une, mais deux. Et ces deux pensaient et agissaient indépendamment l'une de l'autre !

On comprend aisément qu'ils en restèrent sans voix, ils vacillèrent tous les quatre en même temps, les yeux exorbités, leurs quatre bouches grandes ouvertes, comme si les deux paires étaient devenu un quatrain.

Les visages des deux demoiselles se mirent à rougir en se regardant l'une l'autre. 

« Comment oses tu me contredire ? » demanda l'une d'elles.   

« Comment oses tu me contredire ? » demanda l'autre, non seulement ces questions étaient posées séparément, mais leurs façons de parler étaient différentes, leurs esprits jumeaux commençaient à se scinder un peu plus à chaque instant.   

« Je suis le Grand Ki de Twi. » déclara l'une.    

« Certes non ! Je suis le Grand Ki ! » rétorqua l'autre.    

« Les étrangers mourront ! » s'écria l'une.    

« Ils ne mourront pas ! » s'écria l'autre, « ma volonté est suprême ! »      

« Pas du tout ! Ma volonté est suprême ! » répliqua l'autre.   

Les vieux Ki hochaient leurs têtes chauves d'incrédulité, d'abord en regardant l'une puis en regardant l'autre. Les cheveux blonds des deux Ki-Ki s'étaient presque dressés, et ils restaient là, consternés, le regard vide. Nerle, quant à lui, hurlait littéralement de rire en se tenant les côtes, tandis que le Prince Merveille, amusé, souriait calmement, car lui seul savait ce qui s'était passé avec les jumelles Grand Ki.

Les jeunes filles ne savaient comment se comporter dans leur nouvelle condition, au bout d'un moment, l'une d'elle dit :

« Nous laisserons le Ki et le Ki-Ki régler notre conflit. »   

« Très bien. » acquiesça l'autre.    

« Alors je déclare que cette moitié là a raison, » dirent les Ki-Ki en désignant de leurs deux index droits celle qui avait condamné les étrangers à mort.

« Et je décide que c'est l'autre moitié qui a raison ! » s'exclamèrent les Ki, en pointant tous deux leurs index tremblants vers la demoiselle qui leur avait fait grâce.    

« Alors ? » demanda l'une des filles.    

« Alors ? » demanda l'autre.   

« Les pouvoirs du Ki et du Ki-Ki sont égaux, » dit la première,  « nous n'avons pas avancé d'un pouce dans le règlement de notre conflit. »   

« Mes chères jeunes Dames, » dit poliment le Prince Merveille, « prenez donc le temps de réfléchir pour trouver un arrangement, nous ne sommes guère pressés. »   

« Très bien, » dirent les jumellles, en parlant en même temps, cette fois, « nous vous ordonnons de rester au palais jusqu'à ce que nous ayions réglé notre... singulier conflit. Les serviteurs s'occuperont de vous, et quand nous aurons pris notre décision, nous vous convoquerons. »   

Tous s'inclinèrent à ces paroles et prirent congé, Nerle regarda derrière lui en quittant la pièce, et il vit les deux jumelles Grand Ki tournées l'une vers l'autre sur leurs sièges, se fixant d'un air furieux et déterminé.

 

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