Créer un site internet

Yew, l'Île Enchantée - 17

La séparation du Grand Ki

<< Chapitre 16 - Sommaire - Chapitre 18 >>

 

Yew17 1

 

Pendant presque une semaine, le Prince Merveille et Nerle restèrent confinés au palais et dans les jardins du Grand Ki. Avec la paire de Ki, qui étaient plutôt amicaux, ils occupaient un des palais jumeaux, tandis que les Ki-Ki s'étaient retranchés dans l'autre.

Ils ne virent pas une seule fois les jolies demoiselles Grand Ki, et ils ignoraient quel endroit des palais elles occupaient, n'étant pas autorisés à s'éloigner des chambres qui leur avaient été assignées, hormis les jardins. Il n'y avait aucun moyen de s'enfuir, même s'ils l'avaient voulu, car les escaliers d'argent avaient disparu.

Quand ils se promenaient dans les allées, ils apercevaient parfois les élégants Ki-Ki les regardant par les fenêtres jumelles de l'autre palais, et bien que l'expression de leurs visages fut toujours douce et gentille, Nerle et Merveille savaient bien qu'ils espéraient les voir mourir.

« Appréhendez vous la décision de cette jolie Grand Ki ? » demanda un jour Nerle.    

« Pas du tout, » répondit le Prince en riant,  « car je pense qu'elle ne vont pas nous tuer, en aucun cas. »   

« Si je me sentais aussi en sécurité, » répondit le garçon,  « çà gâcherait mon plaisir. Je passe des journées merveilleuses, à tout instant je m'attends à voir arriver le bourreau avec sa hache. »   

« Le bourreau est double, » dirent les deux vieux Ki, s'immisçant dans la conversation,  « vous devriez plutôt dire les bourreaux avec leurs haches. »   

« Comment vont ils me couper la tête avec deux haches ? Car je suppose qu'il vont frapper en même temps, et je n'ai qu'un seul cou.  »   

« Attendez un peu... »  réfléchirent les deux Ki en se grattant leurs nez rouges.

« Pour çà, j'attendrai, » répondit le garçon,  « mais en tous cas, pas question de les regarder me couper la tête, je compte bien fermer les yeux. »   

Ainsi, ils restèrent dans leurs chambres ou se promenèrent dans les jardins en baillant d'ennui, jusqu'à ce qu'un jour, alors que les deux pendules sur le mur sonnaient deux fois midi, la porte s'ouvrit et à leur grande surprise, l'une des jumelles Grand Ki entra.

Elle était aussi belle et charmante qu'au moment où elle siégeait sur l'un des trônes, mais au premier regard, il était difficile de savoir de laquelle des deux il s'agissait ; leur amie ou leur ennemie ? Même les Ki étaient inquiets, jusqu'à ce que le jeune fille parle :

« Mon autre moitié et moi nous sommes définitivement séparées, nous sommes tombées d'accord sur le fait que nous ne serons plus jamais d'accord. Elle est partie demander l'aide du Ki-Ki, car la guerre est déclarée entre nous. Dorénavant, sa couleur sera le vert tandis que la mienne sera le jaune, et nous avons l'intention de nous combattre jusqu'à ce que l'une arrive à vaincre l'autre. »   

Merveille et Nerle trouvèrent cette nouvelle intéressante, mais les vieux Ki, qu'elle avait grandement effrayés, demandèrent  :

« Que va devenir notre royaume ? Une moitié de Grand Ki ne peut le diriger, c'est contraire à la loi. »   

« Je ferai mes propres loi quand j'aurai remporté la victoire, » répliqua la jeune fille avec un charmant sourire, « ne vous tracassez donc pas pour çà, maintenant, dites moi, m'aiderez vous dans cette bataille ? »   

« Volontiers ! » s'exclamèrent Nerle et le Prince Merveille, presque comme s'ils eussent été des jumeaux de Twi. Quant aux Ki, ils frottèrent leurs têtes chauves un moment, puis ils éternuèrent simultanément et s'essuyèrent les yeux avec deux vieux mouchoirs d'un jaune délavé. Finalement, ils déclarèrent qu'ils resteraient fidèles à sa Suprême Grandeur envers et contre tout. 

« Alors rendez vous sans tarder aux murailles des cités, et ralliez tous les soldats à moi et à ma cause. » ordonna la jeune fille.

Aussitôt que les Ki jumeaux eurent quitté la pièce, le Grand Ki s'assit et se mit à questionner le Prince Merveille et Nerle sur le grand monde extérieur d'où ils venaient. Nerle était plutôt timide et maladroit devant cette belle fille, dont le jaune de la robe contrastait déliceusement avec le rose de ses joues, le bleu de ses yeux et ses boucles brunes. Mais le Prince Merveille, qui était totalement indifférent aux filles, pu parler librement avec elle, en retour, elle l'autorisa à examiner sa couronne d'or de plus près.

Les Ki s'en revinrent, leurs deux visages portant la même expression sinistre.

« Votre Grandeur, » annoncèrent ils, « nous avons de bien mauvaises nouvelles pour vous. L'autre Grand Ki, celle qui porte une robe verte, a été plus rapide que vous, avec les Ki-Ki elle s'est emparée des escaliers d'argent et ne laisse plus personne les utiliser. De plus, elle a déjà recruté les armées royales, il nous est donc impossible de quitter les jardins, et d'ici peu, les soldats viendront nous massacrer. »   

Montrant tout son courage, la jeune fille se mit à rire et déclara :

« Nous devrons donc rester ici et combattre jusqu'à la fin, et si je n'arrive pas à vous sauver, mes amis, c'est que je n'aurai pas réussi à me sauver moi-même. »   

Ces paroles plurent beaucoup au Prince Merveille, il embrassa respectueusement le main de la jeune fille et lui dit :

« Ne craignez point, votre Grandeur, mon ami et moi-même ne sommes pas si démunis qu'il parait. Ce serait pour nous un privilège de vous sauver, au lieu d'être sauvés par vous, d'ailleurs, nous en sommes tout à fait capables, en dépit de l'autre Grand Ki et de toute son armée. »   

Ils restèrent donc au palais tout le reste de la journée, et personne ne vint les molester. Le soir, la jeune fille se mit à chanter pour eux, et la paire de vieux Ki entama une gigue qui les fit rire aux larmes, car ils dansaient tous les deux exactement de la même manière, les jambes des vieillards étaient encore agiles. Mais le plus hilarant, c'étaient leurs visages ridés qui gardaient une expression grave contrastant avec leurs bouffoneries. Quant à Nerle, il entonna un chant de sa composition sur le Roi des Voleurs vaincu par le Prince Merveille, et une autre sur le Vilain Rouquin de Dawna, si bien que la soirée fut assez agréable, cela leur fit un peu oublier les menaces du lendemain.

Lorsqu'ils se furent séparés pour la nuit, le Prince Merveille ne partit pas se coucher tout de suite, il avait encore une affaire à régler. Il s'enferma dans sa chambre et grâce à ses pouvoirs magiques, il convoqua le Prince des Knooks*, le Roi des Ryls** et le Gouverneur des Gobelins***, ils faisaient tous trois partie de ses amis. Alors il leur raconta la querelle et la séparation des jumelles composant le Grand Ki, et il requit leur assistance. Puis il leur expliqua comment ils allaient procéder avant de leur donner congé. Ayant accompli cette tâche, le Prince magique alla se coucher et dormit paisiblement tout au long de la nuit.

 

Yew17 2bis

 

Le lendemain matin, les Ki-Ki à la blonde chevelure et toute l'armée de Twi, qu'ils avaient gagnée à leur cause, escaladèrent les marches d'argent pour se rendre au palais de la Grand Ki verte, mais quelle ne fut leur stupéfaction en trouvant les palais jumeaux séparés par un mur si haut, qu'aucune échelle n'eut pu en atteindre le fait. Il avait été construit en une nuit, et seuls le Prince Merveille et ses amis magiques savaient comment un tel travail avait été accompli si rapidement.

En descendant prendre le petit déjeuner avec ses amis, la jumelle Grand Ki s'aperçut qu'elle était à l'abri de ses ennemis, et les vieux Ki chauves aux crânes dégarnis se mirent à danser de joie.

De l'autre côté du mur, on entendait les cris et les menaces de l'armée de Twi, qui cherchait un moyen d'atteindre les fugitifs, mais pour l'instant, nos amis se savaient en parfaite sécurité, et ils purent, sans risque, narguer la colère de toute la population de Twi.

 

 

*Les Knooks sont des lutins chargés de la protection de tous les animaux du monde, sauvages ou domestiques, les bêtes les plus féroces leur obéissent

**Les Ryls sont des lutins chargés de la protection des plantes et des fleurs de toute la terre.

***Les Gobelins, souvent représentés comme malfaisants dans la littérature, peuvent aussi faire le bien, selon les traditions, ils règnent sur les marais ou dans les souterrains.

 

<< Chapitre 16 - Sommaire - Chapitre 18 >>

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire