Yew, l'Île Enchantée - 19

La réunion du Grand Ki

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Yew19 1

 

Les jumeaux de Twi étaient trop surpris pour combattre ces drôles d'adversaires. Les bourreaux en laissèrent tomber leurs haches par terre, et les doubles habitants, aussi bien les soldats que les civils, contemplèrent les étrangers avec stupéfaction.

« Nous sommes là, Prince ! » s'écria Wul-Takim, dont on apercevait la barbe hirsute au dessus la tête de ses hommes. 

« Grand merci. » répondit le Prince Merveille.   

« Les hommes de Spor sont là aussi ! » ajouta le Roi Terribus, monté sur un magnifique étalon blanc richement caparaçonné.   

« Que les hommes de Spor en soient remerciés. » répondit courtoisement le Prince Merveille.   

« Devons nous les découper en morceaux Sire, ou préférez vous qu'on les pende ? » demanda le Roi des Voleurs Repentis, suffisamment fort pour faire frémir ceux qui l'entendaient.

Mais la petite demoiselle en jaune s'avança vers le Prince Merveille, et en le regardant avec une certaine crainte, elle lui dit doucement :

« Je vous en prie, pardonnez à ces gens et épargnez les, habituellement, ce sont de loyaux sujets, et s'ils m'ont combattue, moi, le Grand Ki légitime, c'est uniquement parce qu'ils étaient perturbés par ma séparation d'avec mon autre moitié. »  

« C'est vrai, » répondit le Prince, « et comme vous êtes toujours le Grand Ki de Twi légitime, je vous laisserai disposer de votre peuple comme il vous convient. Ceux qui ont vaincu votre peuple sont vos alliés, ils sont sous vos ordres comme je le suis moi même. »  

En entendant cela, la Grand Ki verte s'avança vers sa jumelle, puis d'un air de défi, elle lui dit :

« Cette fois, je suis ta prisonnière, tu peux disposer de moi comme tu veux. »  

« Je te pardonne. » lui répondit doucement sa sœur.

La demoiselle qui venait d'être vaincue éclata en sanglots, car elle s'était attendue à tout sauf au pardon.

Les Ki-Ki s'avancèrent à leur tour, et en inclinant leurs séduisantes têtes blondes devant le Grand Ki, ils demandèrent : « Sommes nous aussi pardonnés ? »  

« Oui, » répondit la jeune fille, « mais vous n'êtes plus habilités à diriger mon peuple, en conséquence, le très honorable titre de Ki-Ki vous est retiré, et je vais l'accorder à ces bons capitaines ici présents. » dit elle en désignant les officiers qui avaient capturé le Prince et Nerle au départ.

La population de Twi applaudit avec enthousiasme cette décision, car les capitaines étaient plus populaires que les anciens Ki-Ki, mais les blondinets, rougissant tous deux de colère et d'humiliation, répliquèrent :

« Les capitaines vous ont combattues autant que nous. »    

« Oui, mais les capitaines ne faisaient qu'obéir à vos ordres, » rétorqua la jeune fille, « je ne les tiens donc pas pour responsables. »  

« Que va t il advenir de nous, maintenant ? » demandèrent les anciens Ki-Ki.   

 

Kiki


« Vous appartiendrez au commun du peuple, et vous gagnerez vos vies en jouant de la musique pour faire danser les autres. » répondit le Grand Ki. Tout le monde se mit à rire à cette réplique, alors les deux jeunes hommes se renfrognèrent et partirent sous les quolibets de la foule. 

« Vous feriez mieux de les pendre à un arbre, ma petite, » cria Wul-Takim de sa grosse voix, « ils n'auront plus le goût de vivre, de toute façon. »   

Mais la jeune fille secoua négativement la tête et se tourna vers le Prince. « Resterez vous avec moi pour m'aider à diriger ce royaume ? » lui demanda-t-elle.    

« Je ne peux pas, » répondit le Prince Merveille, « je ne suis qu'un aventurier errant, et je dois continuer ma route. Mais je crois que vous êtes capable de gouverner votre peuple sans mon aide. »   

« Ce ne sera pas facile, » répondit elle en soupirant, « car désormais je suis unique, alors que chez mon peuple, tout le monde est double. »   

« Eh bien, allons y réfléchir dans votre palais, » dit le Prince, « nous déciderons calmement de ce qu'il faut faire. »   

Alors ils révoquèrent le peuple, qui acclama leur Grand Ki avec enthousiasme avant de retourner à ses occupations quotidiennes, et aux ragots qui s'ensuivraient immanquablement après de tels évènements.

L'armée du Roi Terribus et les cinquante neuf Voleurs Repentis se rendirent aux palais jumeaux du Ki et du Ki-Ki, où ils fêtèrent leur victoire avec un festin et des chansons. Puis la Grand Ki jaune, suivie du Prince, de Nerle, du Roi Terribus et de Wul-Takim, ainsi que des Ki et des Ki-Ki nouvellement promus, gravit les escaliers d'argent pour franchir le mur et se rendre aux palais royaux, la Grand Ki verte les suivait en sanglotant.

Quand ils arrivèrent à la salle des trônes, la Grand ki Jaune s'assit sur le sien et dit :

« Par un étrange hasard, que je suis bien en mal d'expliquer comment, ma jumelle et moi, nous sommes retrouvées séparées, au lieu de penser et d'agir de la même manière, nous sommes maintenant individuelles, comme le sont toutes ces personnes qui sont venues ici par le trou dans la haie. Ainsi, en étant individuelles, nous ne pouvons plus tomber d'accord, aucune de nous deux ne peut gouverner le Royaume de Twi de manière légitime, car tous nos sujets sont en doubles qui pensent et agissent de la même manière. »   

Alors le Prince Merveille déclara :

« Votre Grandeur, moi seul peux expliquer pourquoi vous vous êtes retrouvée séparée de votre jumelle. Grâce à une formule magique que j'ai apprise il y a quelques années, je vous ai lancé un sort qui oblige votre cerveau à fonctionner indépendamment de celui de votre sœur. Pour ma part, je trouve qu'il est préférable d'avoir ses propres pensées et de vivre sa propre vie, plutôt que d'être lié à une autre personne et d'être obligé de faire et de penser la même chose au même moment, et de n'être que la moitié d'un tout. Et comme désormais vous êtes le seul et unique Grand Ki, et la dirigeante officielle de ce pays, j'accepterai volontiers de lancer le même sort sur tout votre peuple, ainsi, il n'y aura plus personne en double au Pays de Twi. »   

« Mais les vaches, les chiens, les chevaux et tous les autres animaux sont en doubles, comme les gens. » firent remarquer les vieux Ki, dont les yeux brillaient d'émerveillement à l'idée de devenir indépendants l'un de l'autre.

 

Les animaux

 

« Je... peux aussi lancer le même sort aux animaux. » répondit le Prince après un moment d'hésitation.    

« Toutes les maisons sont construites en double, avec des double portes, des doubles fenêtres, des double cheminées destinées à l'usage de personnes jumelles, » continua la Grand Ki jaune,  « il y a aussi les arbres, les fleurs, et même les brins d'herbe, tout est en double. Sans parler de nos routes et tout le reste également en double, et moi seule, la dirigeante de ce pays, qui suis unique ! »     

Le Prince Merveille plongea dans une profonde réflexion ; il ignorait comment séparer les arbres et les fleurs, de plus, séparer les maisons jumelles risquait d'être une tâche des plus fastidieuses.

« Pourquoi ne pas laisser ce pays tel qu'il est ? » suggéra le Roi Terribus de Spor, « la demoiselle Grand Ki jaune peut venir vivre dans mon château, elle n'aura plus à se tracasser du Pays de Twi, qui, après tout, n'est pas un endroit des plus agréables. »   

« Quant à votre sœur, elle peut venir vivre avec moi dans ma caverne, et devenir la reine des Voleurs Repentis, qui est une fonction plus importante que Grand Ki de Twi. » ajouta l'imposant Wul-Takim, qui avait installé la demoiselle en vert à ses pieds sur un coussin, et il tentait de la réconforter en lui caressant doucement les cheveux de sa main rugueuse.

« Mais j'aime mon pays, et je ne souhaite pas le quitter, » répondit la Grand Ki jaune, « de plus, j'aime ma sœur jumelle, je regrette beaucoup que nos esprits soient séparés. » continua-t-elle tristement.    

« Je sais ! » s'exclama Nerle, « le Prince n'a qu'à vous réunir à nouveau, vous redeviendrez ainsi des jumelles normales de Twi, et vous pourrez continuer à gouverner le pays en tant que Grand Ki, et tout redeviendra comme avant. »   

La Grand Ki jaune jeta un regard suppliant au Prince en joignant ses mains roses.

« Vous voulez bien ? » demanda-t-elle, « accepterez vous de nous réunir ? Cela mettrait fin à tous nos problèmes ! »   

Le Prince Merveille dut en convenir, c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Ils conduisit donc la demoiselle en vert sur l'autre trône où elle s'assit, et après lui avoir remis sa couronne d'or sur la tête, il murmura un enchantement d'un grand pouvoir mystique. Puis il se recula et observa attentivement les deux jeunes filles. Au bout d'un moment, les deux Grand Ki lui sourirent à l'unisson et dirent de la même voix, en utilisant les mêmes mots et les mêmes intonations :

« Merci beaucoup ! »   

 

Eluminure00

 

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