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Zixi, la Reine d'Ix - 1

Comment fut tissée la Cape Magique

 
Un soir de pleine lune, les fées s'étaient assemblées dans l'ancienne forêt de Burzee, elles avaient choisi une clairière en forme de cercle, avec des chênes et des sapins géants tout autour, et un tapis moelleux d'herbe verte en son centre. Si un mortel s'était aventuré aussi loin et avait pu voir le cercle de fées à la lumière du jour, il aurait peut être distingué un tout petit chemin tracé dans l'herbe par les pieds des elfes danseurs. Car c'était là, que durant les nuits de pleine lune, un groupe de Fées renommées, dirigées par la bonne Reine Lulea, aimaient danser et se réjouir sous les flots de lumière argentée qui inondaient la clairière, et faisaient étinceler leurs ailes de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.

Durant cette nuit spéciale, cependant, elles ne dansaient pas, la Reine s'était assise sur un petit monticule de verdure, et tandis que les autres se regroupaient autour d'elle, d'une mine contrariée, elle leur dit :

« Je suis lasse de danser, mes amies, tous les soirs, depuis que la lune existe, nous venons ici pour gambader, rire et nous distraire, et bien qu'il s'agisse de bonnes choses qui rendent le cœur léger, on se lasse de tout. C'est pourquoi je vous demanderai de trouver un autre moyen de nous divertir. »

« Ce sera difficile, » répondit une jolie elfe en remuant doucement ses ailes, telle une dame agitant son éventail, « nous vivons depuis tellement longtemps que nous avons expérimenté tout ce qui nous semblait nouveau, et de toutes nos distractions, aucune ne continue à nous donner plus de plaisir que la danse. »

« Mais ce soir, je n'ai pas envie de danser ! » répondit Lulea avec un petit froncement de sourcils.
 

« Nous pourrions créer quelque chose avec nos pouvoirs de fées. » suggéra l'une d'elles qui était étendue à ses pieds.

« Voila une bonne idée ! » s'écria Lulea avec une contenance pleine de diginité, « créons donc quelque chose, mais quoi ? »

« J'ai entendu parler... » se hasarda une autre fée du groupe, « ...d'un chapeau à penser qu'ont créé des Fées en Amérique, quiconque le porte est capable de concevoir les plus belles et les plus nobles pensées. »

« En effet, c'était une belle création, » répondit la petite reine, « qu'est donc devenu ce chapeau ? »

« L'homme qui l'a reçu était tellement effrayé que quelqu'un d'autre le trouve et soit capable de concevoir des pensées aussi exquises que les siennes, qu'il le cacha soigneusement, si soigneusement que lui même fut incapable de se rappeler où. »

« Comme c'est malheureux ! Mais nous ne devons pas créer un autre chapeau à penser, ou il finira de la même manière. N'avez vous rien d'autre à suggérer ? »

« J'ai entendu parler... » se hasarda une autre, « de Fées qui ont créé une paire de bottes enchantées qui éloignent du danger tout mortel qui les porte. »

« Quelle bénédiction pour ces maladroits mortels ! » s'écria la reine, « et que sont devenues ces bottes ? »

« Elles entrèrent en possession d'un grand général qui ignorait ses pouvoirs. Un jour, alors qu'il venait de les mettre avant d'engager une bataille, il s'enfuit aussitôt en courant et tous ses hommes le suivirent, de ce fait, la bataille fut remportée par l'ennemi. »

« Mais ce général n'a-t-il pas échappé au danger ? »

« Oui... au prix de sa réputation. Il se retira dans une ferme et usa les bottes à force de marcher dans les chemins de campagne, tentant vainement de comprendre pourquoi il était soudainement devenu un tel couard. »

« Il est certain que ces bottes n'étaient pas portées par la bonne personne, » dit la Reine, « c'est pourquoi elles se sont révélées être plus une malédiction qu'une bénédiction. Mais nous n'avons pas besoin de bottes enchantées, trouvons quelque chose d'autre. »

« Que diriez vous d'une Cape Magique ? » proposa Espa, une jolie petite fée qui n'avait pas encore parlé.

« Une cape ? En effet, nous pourrions facilement en tisser une, » répondit la Reine, « mais quelle sorte de pouvoir aurait elle ? »
 
« Elle exaucerait les souhaits de quiconque la porte. » s'empressa de répondre Espa.
 
De toutes parts s'élevèrent des murmures de protestations, que la Reine fit cesser d'un geste de sa main royale.
 
« Notre sœur n'a sans doute pas réfléchi aux éventuelles conséquences de son idée, » déclara Lulea, en souriant à la petite Espa, intimidée par la désapprobation des autres, « si elle réfléchit un instant, elle réalisera qu'une telle cape donnerait à son porteur mortel les mêmes privilèges que les notres. Je suppose que c'est pour les mortels que vous aviez imaginé cette cape, n'est ce pas ? » demanda-t-elle.

« Oui, » répondit timidement Espa, « c'était exactement mon idée. »

« C'est une bonne idée, » continua la Reine, « et je propose que nous fabriquions cette Cape Magique ce soir. Mais sa magie n'accordera qu'un seul souhait à son porteur, néanmoins, je suis sûre qu'elle sera bénéfique à ces mortels vulnérables. » 
 
« Que se passera-t-il si plusieurs personnes la portent, » demanda une des fées, « laquelle aura son vœu exaucé ? »
 
La Reine réfléchit un instant et répondit :
 
« Chaque possesseur de la cape magique aura droit à un vœu, à condition qu'elle n'ait pas été volée à son précédent propriétaire, auquel cas, elle perdrait son pouvoir » 

« Le nombre de propriétaires de cette cape ne devrait il pas être limité ? » demanda la Fée étendue aux pieds de la Reine. 
 
« Je ne crois pas, utilisé à bon escient, notre cadeau peut être d'une grande valeur pour les mortels. Et si jamais on s'aperçoit qu'il est mal utilisé, nous pouvons le reprendre à tout moment et annuler son pouvoir magique. Maintenant, si nous sommes toutes d'accord, mettons nous au travail. » 
 
À ces mots, les fées se levèrent d'un air décidé, et leur Reine, tout en leur souriant, fit un geste de la main vers le centre de la clairière, aussitôt; un magnifique métier à tisser magique y apparut. Il ne s'agissait pas du genre de métier qu'utilisaient les mortels, il consistait en un large cercle d'or et un autre plus étroit soutenus par un grand mat de jaspe. Tout le groupe de fées dansa autour trois fois, chacune tenant une navette d'argent chargée de filaments brillants et plus fins que la plus fine des soies dont la couleur variait d'une navette à l'autre.
 

Sur un signe de la Reine, elles s'approchèrent les unes après les autres du métier en or et fixèrent chacune une extrémité de filament dans le dispositif. Puis elles dansèrent joyeusement tout autour, tandis que les navettes d'argent volaient de mains en mains, et que la toile aussi légère que de la gaze croissait sur le métier.
 
La Reine en personne finit par prendre part à l'activité, et la rangée de filaments qu'elle tissa dans la trame était magique, c'était celle qui allait donner à la cape son merveilleux pouvoir.
 
Le groupe de fées travailla avec dextérité sous les rayons de la très ancienne lune, tandis que leurs pieds battaient l'herbe et que leurs cris joyeux tintaient comme des cloches d'argent, dont l'écho se répercutait dans les sombres profondeurs de la forêt qui les entourait. Enfin, elles s'arrêtèrent et se laissèrent tomber sur le sol avec des gémissements de plaisir. Le métier à tisser et les navettes avaient disparu, l'ouvrage était achevé, et la Reine Lulea se tenait debout sur le monticule, tenant la Cape Magique dans ses mains.
 
Le vêtement était sublime, toutes les nuances de l'arc-en-ciel étincelaient dans ses plis, et bien qu'il fut léger comme du duvet de cygne, il était pratiquement indestructible.

Les fées l'admiraient avec une grande satisfaction, car chacune d'elles avait contribué à sa confection, et pouvait donc en éprouver une fierté légitime.
 
« Il est très réussi, » dit la petite Espa, « mais à qui allons nous l'offrir, maintenant ? »
 
Des dizaines de suggestions fusèrent de toutes parts, chaque Fée voulant avantager un mortel en particulier. Comme vous le savez peut être, chacune d'elles était la gardienne invisible d'un homme, d'une femme ou d'un enfant du grand monde extérieur au delà de la forêt, il était donc normal que chacune d'elles souhaitât que son protégé possède la Cape Magique.
 
Alors qu'elles se querellaient, une autre Fée les rejoignit et vint saluer la Reine.
 
« Soyez la bienvenue, Ereol, » dit Lulea, « vous êtes en retard. »
 
La nouvelle venue, à la chevelure dorée et aux grands yeux d'un bleu profond, répondit d'un air grave :
 
« Oui, votre Majesté, je suis en retard, mais ce n'est pas ma faute ; le vieux Roi du Noland, dont j'étais la gardienne depuis sa naissance, nous a quittés cette nuit, et je ne pouvais décemment pas l'abandonner avant la fin. »

« Ce vieux Roi est enfin mort ! » dit pensivement la Reine, « c'était un homme bon mais sans aucun intérêt, vous avez du beaucoup vous ennuyer avec lui, ma pauvre Ereol. »
 

« Tous les mortels sont ennuyeux. » répliqua la fée en soupirant. 
 
« Qui est le nouveau Roi de Noland ? » demanda Lulea. 
 
« Personne, » répondit Ereol, « le vieux Roi est mort sans héritier, et quand je suis partie, ses cinq Haut-Conseillers étaient plongés dans un grand dilemne. »
 
« Eh bien, ma chère, reposez vous un moment. Plus tard, je vous assignerai un nouveau-né comme protégé, ainsi votre tâche sera moins rude. Je suis vraiment désolée que n'étiez pas des notres cette nuit, car nous nous sommes surpassées, voyez cette Cape Magique que nous avons tissée. »
 
Ereol examina le vêtement avec un certain plaisir.
 
« À qui est il destiné ? » demanda-t-elle. 
 
Les querelles reprirent de plus belle quant à savoir quel mortel au monde méritait le plus de posséder la Cape Magique. Finalement, en voyant les fées de son groupe se disputer ainsi, la Reine se mit à rire et leur dit :
 
« Allons, du calme ! Laissons la décision à l'Homme de la Lune, il s'amuse à nous observer depuis tout à l'heure, et je crois même qu'il m'a fait un clin d'œil. »  
 
 
Toutes les têtes se dressèrent d'un coup vers l'astre nocturne ; alors le visage d'un homme barbu et ridé, non dépourvu de charme cependant, apparut tel une esquisse sur sa surface.

« Je vais encore devoir régler une dispute, n'est ce pas ? » demanda-t-il, « bon, très chères, de quoi s'agit il, cette fois ? »
 
« Nous aimerions savoir qui, d'après vous, portera la Cape Magique que les dames de ma cour et moi avons tissée. » répondit la Reine Lulea. 
 
 
« Donnez le à la première personne malheureuse que vous rencontrerez, » dit l'Homme dans la Lune, « les mortels heureux n'ont pas besoin de Capes Magiques. »
 
Après avoir formulé ce conseil, son visage amical s'estompa et seuls ses contours persistèrent sur le disque argenté.
 
La Reine frappa des mains avec ravissement..
 
 « Notre Homme de la Lune est très avisé, » déclara-t-elle, « nous allons suivre son idée. Ereol, puisque vous avez du temps libre en ce moment, allez donc porter cette Cape Magique au Noland. La première personne que vous rencontrerez et qui sera vraiment malheureuse, fut elle un homme, une femme ou un enfant, vous lui donnerez cette Cape en cadeau de la part de notre groupe de Fées. »
 
Ereol s'inclina et plia la Cape sur son bras.
 
« Venez, mes enfants, » dit Lulea, « la lune se cache déjà derrière la cime des arbres, il est temps pour nous de partir. »
 
 Un instant plus tard, les fées avaient disparu, et la clairière où elles avaient dansé et tissé la Cape Magique fut soudain plongée dans les ténèbres.
 
 
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Commentaires

  • Evelyne
    Que c'est beau et magique j'adore je partage passe une bonne soirée bisous
    • contes_de_wolfram
      • contes_de_wolframLe 12/06/2019
      Merci, à toi aussi, bisous

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