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Zixi, la Reine d'Ix - 15

Le vol de la Cape Magique

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Quand les soldats de la Reine Zixi se furent enfuis, ils s'étaient dispersés dans tellement de directions qu'elle n'avait pu retrouver leurs traces. Son cheval ayant pris peur, il l'avait désarçonnée en franchissant le col de la montagne, et l'avait fait tomber près d'un bosquet de lilas avant de s'enfuir.

Une telle succession d'échecs aurait à coup sûr découragé le plus brave, mais Zixi avait vécu trop longtemps pour se laisser abattre par ce genre d'épreuves. Elle se releva calmement et regarda autour d'elle, tâchant de savoir où elle était.

Cet endroit dans la montagne était calme et paisible, sa glorieuse armée avait disparu jusqu'au dernier homme.

Au loin, elle pouvait apercevoir les tours et les minarets de la Cité de Nole, tandis que derrière elle s'étendait les lilas touffus. Cela lui donna une idée ; elle écarta les branches et pénétra dans le réseau de sentiers entre les arbres.

L'air était chargé des senteurs des fleurs pourpres, de minuscules colibris voletant çà et là, y plongeaient leurs becs fins pour en extraire le nectar. Il y avait aussi des papillons et des écureuils perchés sur les branches. Mais Zixi n'y prêtait guère attention, elle se livrait à d'intenses réflexions en marchant, et avait déjà élaboré de nouveaux plans.

En effet, si cette Cape Magique était si dure à obtenir, elle la désirait d'autant plus.

Sur le trajet, elle ramassa des morceaux d'écorce de lilas et déterra des racines diverses. Ensuite, elle captura six papillons, dont elle recueillit les pois écarlates qui ornaient leurs ailes. Puis elle continua son chemin jusqu'à une petite source jaillissant du sol, elle remplit une feuille de Tatti1 d'eau, elle y mélangea l'écorce, les racines, les pois de papillons et fit bouillir le tout avec précautions sur un feu de brindilles, en effet, les feuilles de Tatti ne brûlent pas tant qu'il y a de l'eau dedans.

Lorsque son composé magique fut prêt, Zixi murmura une incantation et le but d'un seul trait.

Quelques instants plus tard, la Reine-Sorcière avait disparu, à sa place il y avait une jolie jeune fille vêtue d'une simple robe blanche avec des rubans roses aux épaules, et une ceinture rose à la taille. Ses cheveux châtains étaient rassemblés en deux longues tresses qui pendaient dans son dos, et elle avait de grands yeux bleus plein d'innocence et de douceur. En plus de ces changements, son nez et sa bouche avaient une forme différentes, ainsi, personne n'eût pu remarquer la plus légère ressemblance avec Zixi ou même avec Miss Trust.

Ainsi transformée, elle lâcha un petit rire cristalin, voulut se regarder dans les eaux de la source, mais son visage se renfrogna, car elle n'y voyait que le reflet d'une vieille femme ridée et édentée, comme d'habitude.

« Il me faut vraiment cette Cape. » soupira-t-elle, puis elle sortit du bosquet de lilas et redescendit la montagne vers la Cité de Nole.

La Princesse Tignasse jouait au tennis avec ses servantes dans la cour du palais royal, quand Jikki arriva pour lui dire qu'une jeune fille voulait lui parler.

« Faites la venir. » dit Tignasse. 

Sous l'apparence d'une innocente jeune fille, la Reine-Sorcière s'inclina humblement devant la Princesse et dit : 

« De grâce, votre Altesse, puis je devenir l'une de vos servantes ? »

« J'en ai déjà huit ! » répondit Tignasse en riant. 

« Mon père et ma mère sont morts tous les deux, et j'ai fait tout ce chemin depuis mon château pour vous implorer de me laisser vous servir. » dit la jeune fille, en fixant la petite princesse de ses grands yeux bleus suppliants.

« Qui êtes vous ? » demanda Tignasse. 

« Je suis la fille du Seigneur Hurrydole, mon nom est Adlena. » répondit la jeune fille, qui ne mentait pas vraiment, car l'un de ses ancêtres s'appelait Hurrydole, et Adlena était l'un de ses prénoms. 

« Eh bien, Adlena, » dit Tignasse d'un ton joyeux, « vous pouvez faire partie de mes servantes, il y a plein de place dans ce palais, et plus j'ai de filles autour de moi, plus je suis heureuse. »

C'est ainsi que Zixi, sous le nom d'Adlena, devint domestique au palais royal, et il ne lui fallut pas longtemps pour apprendre où était rangée la Cape Magique. La Princesse lui avait demandé d'aller lui chercher une écharpe de soie bleue, pour cela elle lui avait confié la clé du tiroir où elle se trouvait. Juste en dessous de l'écharpe, il y avait l'habit féérique.

Adlena s'en serait volontiers emparé tout de suite, si Tignasse ne s'était pas trouvée dans la pièce, alors elle lui demanda :

« S'il vous plait, Princesse, puis je regarder cette jolie Cape ? »

« Bien sûr, » répondit Tignasse, « mais faites y attention, ce sont les Fées qui me l'ont donnée. »

Adlena déplia la Cape et l'observa attentivement, notant exactement la manière dont elle était tissée, elle la replia ensuite et la rangea dans le tiroir. Puis elle le referma avec la clé que Tignasse récupéra aussitôt et attacha à une chaîne autour de son cou.

Cette nuit là, quand la Reine-Sorcière se fut enfermée dans sa chambre, assurée de ne pas être dérangée, elle invoqua un grand nombre de lutins invisibles, de ceux qui se mettent aux service des plus brillants magiciens. Elle leur ordonna de lui tisser une Cape semblable à celle que les Fées avaient donnée à la Princesse Tignasse.

Bien entendu, les lutins n'avaient jamais vu la Cape Magique, mais Zixi leur en donna une description tellement précise, qu'ils firent une copie exactement semblable à l'originale, au point que l'on eut été incapable de les distinguer l'une de l'autre.

Il ne manquait qu'une chose, le fil d'or que la Reine Lulea avait brodé elle-même dans la trame, et qui donnait à la Cape son pouvoir magique.

Évidemment, les lutins ne pouvaient reproduire ce fil d'or, ni donner une quelconque propriété magique à ce vêtement qu'ils avaient fabriqué sur son ordre, mais ils parvinrent à lui donner les mêmes couleurs scintillantes que le vrai, ainsi, Zixi fut satisfaite.

Le lendemain, Adlena se promenait dans le jardin en portant cette cape. La Princesse Tignasse ne tarda pas à la voir, et aussitôt, elle se précipita vers elle en s'écriant d'un air indigné :

« Dites donc vous ! Que faites vous avec ma Cape ? Veuillez la retirer tout de suite ! »

« Ce n'est pas votre Cape, c'est l'une des miennes. » répondit calmement la jeune fille.  

« Impossible ! Il ne peut y avoir deux capes comme celle là en ce monde. » répliqua Tignasse. 

« C'est pourtant le cas, » assura Adlena, « comment pourrais je prendre celle qui se trouve dans votre tiroir alors que la clé est accrochée à votre cou ? »

« Çà me semble quand même bizarre, » dit la Princesse, gagnée par le doute,  « venez donc avec moi dans ma chambre, si ma Cape Magique se trouve vraiment dans le tiroir, alors je vous croirai. »

Quand elle eut ouvert le tiroir, bien entendu, la Cape Magique s'y trouvait, comme l'avait prévu la rusée Zixi. Tignasse la prit et la compara avec l'autre, elles étaient exactement pareilles.

« Je pense que la vôtre est un peu plus longue, » dit Adlena en la mettant sur les épaules de la Princesse, « non, je pense que c'est la mienne qui est plus longue. » continua-t-elle en lui retirant la Cape Magique et en lui mettant la sienne à la place. Elles avaient l'air de la même longueur, mais Adlena n'arrêtait pas de lui en retirer une pour lui remettre l'autre, si bien qu'à la fin, Tignasse ne pouvait plus les distinguer.

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« Laquelle est la mienne ? » finit elle par demander avec inquiétude.

« Celle ci, bien sûr. » répondit Adlena, en repliant la Cape tissée par les lutins et en la rangeant dans le tiroir.

Tignasse ne soupçonna rien. Alors Zixi emmena la Cape Magique qu'elle avait si habilement dérobée, elle était tellement contente de son stratagème qu'elle faillit en crier de joie.

Une fois qu'elle fut seule et que personne ne la voyait, la Reine-Sorcière se glissa hors du palais, la Cape pliée sous son bras, elle traversa Nole et franchit la porte de la cité pour retourner au bosquet de lilas dans la montagne.

« Enfin ! » se dit elle, « je vais pourrai me voir belle dans un miroir et non comme une horrible vieille femme ! »

Une fois en sûreté dans le bosquet, elle parvint, par sa magie, à se retransformer en la superbe femme connue dans tout le Royaume d'Ix comme la Reine Zixi. Ensuite, elle s'empressa de jeter la Cape sur ses épaules.

« Je souhaite, » s'écria-t-elle, « que mon reflet dans les miroirs me montre telle que me voient les mortels ! »

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Puis elle retira la Cape et courut vers la source en disant : « Je vais enfin voir la séduisante Reine Zixi ! »

Mais quand elle se pencha au dessus de l'eau, elle poussa un cri de rage et de déception ; son reflet lui renvoyait toujours l'image de cette affreuse vieille femme !

La Cape Magique n'exauçait pas de souhait à qui l'avait volée.

Plus malheureuse qu'elle ne l'avait jamais été de sa vie, Zixi se laissa tomber par terre, la face contre le sol en pleurant. Elle pleura pendant plus d'une heure, ce qui fait beaucoup. Puis elle se releva, à l'endroit où elle avait posé ses yeux, deux minuscules ruisseaux s'étaient formés et coulaient à travers le bosquet, l'un vers la droite, l'autre vers la gauche.

Alors elle abandonna sur place la Cape Magique, pour laquelle elle avait tant lutté, avec des moyens si malhonnêtes, et marcha lentement jusqu'à la rivière.

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Là, elle trouva un alligator en train de pleurer sur la rive, il avait l'air d'avoir tant de peine, cela lui rappela sa récente déception et le chagrin qui en avait suivi.

« Pourquoi pleurez vous, mon ami ? » lui demanda-t-elle. Grâce sa longue expérience de sorcière, elle connaissait le langage des animaux.

« Parce que je ne sais pas grimper aux arbres. » répondit l'alligator. 

« Mais pourquoi souhaitez vous grimper aux arbres ? » demanda-t-elle, surprise. 

« Parce que je ne sais pas. » répondit l'alligator, en écrasant deux nouvelles larmes. 

« Mais c'est idiot ! » s'exclama la Reine-Sorcière d'un ton méprisant. 

« Je ne sais pas, » dit l'alligator, « çà ne me semble pas plus idiot que les fantaisies de certaines personnes. »

« Peut être bien. » répondit Zixi en se radoucissant, puis elle s'éloigna, perdue dans ses pensées. 

Tandis qu'elle suivait la berge pour trouver un passeur, le crépuscule tomba, un hibou gris sortit du creux d'un grand arbre et vint s'asseoir sur une branche en pleurant à chaudes larmes.

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Zixi s'arrêta et avisa l'oiseau.

« Pourquoi pleurez vous si bruyamment ? » demanda-t-elle. 

« Parce que je ne sais pas nager comme les poissons de la rivière. » répondit le hibou, puis il poussa un cri tellement strident que la Reine en frémit. 

« Pourquoi désirez vous savoir nager ? » demanda-t-elle. 

« Justement parce que je ne sais pas, » dit le hibou en cachant sa tête sous son aile avec un sanglot. 

« Mais c'est absurde ! » s'écria Zixi. 

Le hibou, qui avait gardé une oreille dehors, sortit la tête et rétorqua :

« Je ne pense pas que ce soit plus absurde que les désirs de certaines personnes. »

« Vous avez sans doute raison. » dit la Reine en s'éloignant, la tête basse. .

Elle finit par trouver un passeur qui accepta de la conduire sur l'autre rive. Une petite fille était recroquevillée à un bout de la barque, c'était celle du passeur, elle ne cessait de pleurer, si bien que la peine de l'enfant finit par attirer l'attention de Zixi.

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« Pourquoi pleurez vous ? » demanda-t-elle. 

« Parce que je voudrais être un homme. » répondit l'enfant, en tentant d'étouffer un sanglot. 

« Pourquoi voulez vous être un homme ? » demanda Zixi avec curiosité. 

« Parce que je suis une petite fille. »

Cela mit Zixi en colère.

« Vous n'êtes qu'une petite imbécile! » s'écria-t-elle. 

« Il y a plein d'autres imbéciles en ce monde. » dit l'enfant en se remettant à pleurer. 

Zixi ne répondit pas, mais elle pensa en elle-même :

« Nous sommes tous semblables ; l'alligator, le hibou, la petite fille et moi, la puissante Reine Zixi du Pays d'Ix. Nous désirons ce que nous pouvons avoir, pas pour en tirer un bénéfice, seulement c'est parce que c'est hors de notre portée. Si je traite les autres d'imbéciles, je peux aussi me traiter d'imbécile pour souhaiter voir le reflet d'une belle fille dans le miroir, alors que je sais que c'est impossible. Dorénavant, je me contenterai de mon sort. »

C'était une sage résolution, et la Reine-Sorcière s'y tint durant les nombreuses années qui suivirent. Zixi n'était pas vraiment mauvaise, car il faut admettre que peu de monde a le courage de reconnaitre ses fautes et de s'efforcer de les corriger, ainsi qu'elle l'avait fait.

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1Le Tatti est une plante qui pousse au Noland, ses feuilles ont une forme de coupe (NdT).

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