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Zixi, la Reine d'Ix - 5

La Princesse Tignasse

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Quand le nouveau Roi fut entré dans le palais avec sa sœur, le Conseiller en Chef vint se tenir sur un balcon décoré d'or avec le grand livre dans les mains, il se mit à le lire à voix haute au peuple rassemblé dessous, particulièrement la loi concernant la façon de choisir le nouveau Roi, et les peines encourues par quiconque refuserait de satisfaire le moindre de ses désirs. Le peuple était assez satisfait de ce changement de souverain, tout le monde était heureux d'avoir un Roi aussi jeune, tous l'acclamèrent avec des cris de joie, puis chacun s'en retourna chez soi pour discuter des évènements de cette journée peu ordinaire.

Tim et Meg furent introduits dans de somptueuses chambres au second étage du palais, pendant que le vieux Jikki, tout heureux d'avoir un nouveau maître, s'affairait frénétiquement, comme à son habitude, et leur fit servir le plus délicieux petit-déjeûner qu'ils n'eussent jamais goûté de leur vie.

Tim avait été tellement abasourdi par tous ces évènements et son soudain changement de condition, qu'il n'avait pas encore retrouvé ses esprits. Il était persuadé d'être en train de rêver, et il s'attendait à tout moment à se réveiller. Mais ce petit-déjeûner était bien tangible et consistant, alors il commença à se dire qu'après tout, c'était peut être bien la réalité.

En venant débarrasser la vaisselle sale, le vieux serviteur s'inclina très bas devant Tim en disant « Mille pardons, votre Majesté ! Mais le Conseiller en Chef désire connaître les volontés du Roi. » 

Tim réfléchit un moment et répondit :

« Dites lui que je veux qu'on me laisse tranquille avec ma sœur Tignasse. » 

Jikki s'inclina à nouveau très bas et se retira. Une fois qu'il eut refermé la porte derrière lui, les enfants échangèrent un regard solennel, puis Meg éclata de rire.

« Oh, Tim ! » s'écria-t-elle, « tu te rends compte ? Je suis la Princesse Tignasse et tu es le Roi Tim du Noland ! C'est marrant, non ? » puis elle se mit à danser de joie autour de la pièce.

Tim répondit gravement :

« Que veut dire tout ceci, Tignasse ? Nous ne sommes que de pauvres enfants, je ne peux pas être Roi, je m'attends presque à voir Tante Rivette débouler ici pour me gifler. »

« Tu plaisantes ? » lui lança Margaret en riant, « tu as bien entendu ce qu'a dit le gros bonhomme en perruque à propos de la Loi ? L'ancien Roi est mort, il fallait quelqu'un pour le remplacer, et la quarante-septième personne à avoir franchi la porte orientale, c'était toi, selon la Loi, cela fait de toi le Roi de ce pays, tu réalises un peu ? »  

Tim secoua la tête et regarda sa sœur.

« Non, je ne réalise pas, » dit il, « mais si tu dis que c'est normal, c'est que çà l'est. »

« Bien sûr que c'est normal, » déclara la fillette, tout en retirant sa Cape et en la posant sur une chaise, « tu es le Roi légitime, tu peux faire tout ce que tu veux, et moi, je suis une princesse légitime, parce que je suis ta sœur, et je peux faire tout ce que je veux aussi, tu t'en rends compte, Tim ? »

« Mais enfin, Tignasse, » répondit son frère, « si tu es une Princesse, pourquoi portes tu cette vieille robe grise et ces chaussures rapiécées ? Notre père nous disait que les Princesses étaient toujours bien habillées. » 

Meg poussa un soupir en se regardant.

« J'ai vraiment besoin de nouvelles robes. Tim, je pense que si tu en commandes quelques unes, elles seront prêtes en un rien de temps. D'ailleurs, toi aussi il te faut des vêtements neufs, ta veste est élimée et crasseuse. » 

« Meg ! Tu crois que tout cela est vraiment réel ? » demanda-t-il, angoissé. 

« Mais oui, c'est réel, regarde ton manteau d'hermine, ta couronne en or et ce bâton plein de joyaux,  » (elle voulait parler du sceptre) « tout cela est réel, tu vois bien, non ? »  

Tim acquiesça.

« Appelle le vieux bonhomme, » dit il, « je vais lui donner un ordre, on va voir s'il m'obéit. S'il m'obéit, alors j'aurai la preuve que je suis vraiment Roi. » 

« Avant, écoute moi, Tim, » lui dit Meg d'un air grave, « ne laisse pas voir à ces gens que tu as peur, ou que tu n'es pas sûr d'être vraiment le Roi. Sois autoritaire quand tu leur parles, il faut que ce soient eux qui aient peur de toi. C'est comme çà que les rois se conduisent dans toutes les histoires que j'ai lues. » 

« Je vais essayer, » répondit Tim, « je tâcherai d'être le plus autoritaire possible. Appelle donc ce vieux croûton avec tous ses boutons d'argent. » 

« Il y a le cordon d'une sonnette, » dit Meg,  « regarde, je l'actionne. »  

Jikki arriva aussitôt et s'inclina devant chacun des enfants.

« Quel est votre nom ? » demanda Tim. 

« Jikki, votre grâcieuse Majesté. »

« Vous faites quoi, dans ce palais ? »

« Je suis le valet de Votre Majesté, si cela vous convient. » répondit Jikki. 

« Ah ! » fit Tim, qui ignorait complètement ce qu'était un valet, mais il ne voulut pas le montrer. « Je veux de nouveaux vêtements pour ma sœur et moi. » annonça-t-il, avec l'air le plus le plus déterminé possible. 

« Certainement, votre Majesté, je vous envoie tout de suite le Grand Intendant. »

Sur ces mots, il s'inclina et s'empressa de sortir. Peu après, Tallydab entra dans la pièce, il s'inclina et se présenta respectueusement aux enfants.

« Je suis à la disposition de Votre Majesté. » dit il solennellement.

Tim était un peu impressionné par son apparence, mais il ne perdit pas sa contenance.

« Nous voulons de nouveaux vêtements. » dit il.

« On en a déjà commandé, Votre Majesté, ils seront livrés sous peu. »

« Ah ! » répondit Tim, pris de court.

« J'ai commandé vingt huit costumes pour Votre Majesté et quarante robes pour la Princesse, » continua Tallydab, « j'espère que Votre Majesté et la Princesse en seront satisfaits le temps qu'ils se montent une garde robe plus conséquente. »

« Ah ! » répéta Tim, épaté.

« J'ai aussi engagé sept jeunes filles des plus nobles souches du pays, pour servir la Princesse. Elles sont en train d'attendre Sa Grandeur dans ses appartements privés. »

Meg joignit les mains de ravissement.

« Je vais les rejoindre tout de suite ! » s'écria-t-elle.

« Votre Majesté désire-t-elle autre chose ? » demanda Tallydab, « sinon, nous, vos Haut-Conseillers, aimeraient s'entretenir avec vous à propos de vos devoirs et vos responsabilités »

« Envoyez les. » répondit hardiment Tim. Et tandis que Margaret était partie rejoindre ses demoiselles, le Roi allait assister à sa première réunion avec ses Haut-Conseillers.

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Sur la convocation de Tallydab, les quatre autres notables emperruqués, pompeux et solennels comme toujours, entrèrent dans la pièce et s'alignèrent en face de Tim, qui ne put réprimer un sentiment de crainte respectueuse en les voyant.

« Votre Majesté, », commença le vénérable Tullydub d'un air grave, « nous sommes ici pour vous exposer, avec votre grâcieux consentement, bien sûr, vos nouvelles responsabilités. »

Mal à l'aise, Tim se tortilla sur sa chaise, tout cela semblait tellement absurde et irréel ; avec quelle déférence les cinq fonctionnaires emperruqués et pleins de dignité s'adressaient à lui, quels titres prestigieux lui conféraient ils. Tim avait du mal à croire à tout çà.

« Dites moi un peu, » les interpella-t-il subitement, « tout cela est une farce, n'est ce pas ? »

« Une farce ? » s'écrièrent en écho les cinq Conseillers, avec différents degrés d'indignation dans la voix, Tellydeb, l'Exécuteur des Haute-Œuvres, ajouta avec une touche de reproche :

« Nous croyez-vous assez téméraires pour faire des farces à votre Grâcieuse Majesté ? »

« Justement, voila le problème, » répondit le garçon, « je ne suis pas une Grâcieuse Majesté, je ne suis que Tim, le fils du passeur, vous le savez bien, pourtant. »

« En effet, nous savons bien que vous êtes Tim, le fils du passeur, » confirma le Conseiller en Chef en s'inclinant respectueusement, « mais le destin et les lois inaltérables du pays ont fait de vous le monarque absolu de ce grand Royaume, et tous ses habitants sont tenus de vous être loyaux en toutes circonstances. » 

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Tim se mit à réfléchir.

« Êtes vous sûrs qu'il n'y a pas erreur ? » demanda-t-il avec hésitation.

« Il n'y a pas d'erreur possible, » répondit Tullydub, catégorique, « car nous, les cinq Haut-Conseillers du Royaume, avons nous-même interprété et appliqué les lois du pays, et vos sujets, ont approuvé notre action. »

« Si je comprends bien, » dit Tim,  « il me faudra être Roi que je le veuille ou non. »

« Votre Majesté est dans le vrai, » répondit le Conseiller en Chef en soupirant, « avec ou sans votre consentement, vous êtes le Roi, telle est la Loi. » Et les autres reprirent en chœur :

« Telle est la Loi. »

Tim se sentit soulagé, il n'avait aucune raison de refuser d'être Roi. S'il n'y avait pas de malentendu, et s'il était vraiment le puissant monarque du Noland, c'était une vie de liberté et de distraction qui s'offrait à lui. Être son propre maître, avoir plein d'argent, vivre dans un palais et commander des gens à sa convenance, pour le pauvre garçon qu'il était encore la veille, cela semblait le sort le plus enviable qui puisse échoir à quelqu'un.

À l'idée de la merveilleuse existence qui l'attendait, il se perdit dans ses pensées, si bien qu'il ne prêta que peu d'attention aux paroles des vieux Conseillers, qui ressemblaient un lointain bourdonnement. Ils essayaient de le mettre au courant des affaires de son Royaume, des nombreuses difficultés qu'il allait rencontrer et de ses devoirs.

Pendant une heure entière, il resta assis sans bouger, ils pensaient alors qu'il s'intéressait aux prosaïques questions de l'état, mais soudain, il se mit debout, et, prenant de court les dignitaires, il s'écria :

« D'accord, arrangez les choses comme il vous convient, je vais rejoindre Tignasse. »

Puis, en ignorant leurs protestations, le nouveau Roi se précipita hors de la pièce en claquant la porte derrière lui. 

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